Le dossier Rennes-le-Château,
du vrai et du faux - premier bilan
(partie I)



Part II - Les 7 clés du Serpent Rouge
Part III - Généalogie des rois mérovingiens, Les tablettes du lignage royal (A)
Part IV - Généalogie des rois mérovingiens, les Manuscrits ou généalogies mérovingiennes de l’abbé Pichon (B)


Un certain Lionel Burrus écrivait, dans une pseudo revue catholique vers 1966 : « Faisons le point !». A notre tour, au moment où de nouvelles pièces à conviction apparaissent et après avoir inventorié une première série d'évènements corrompus, puis diffusé une somme d’informations vérifiées et référencées, faisons une pause « révélatrice » et résumons la situation en dressant le tableau de tout ce qui est vrai ou faux dans cette histoire.
Nous irons parfois au-delà. Non au-delà de la vérité, mais au delà de la synthèse en disséquant page par page les apocryphes de Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, telle que la plaquette « Pierres Gravées du Languedoc » imputée à Eugène Stüblein. Car tout cela mérite un regard particulier, sans concession.

 

1- La réalisation de manuscrits cryptés par l’abbé Bigou : FAUX.

Vingt années déjà et l’effet Codex Bezae s’est répandu comme une traînée de poudre. L’étude de ce manuscrit l’a démontré, l’auteur du petit parchemin n’est pas l’abbé Bigou. A moins de détenir le véritable Codex Bezae en 1781, le chapelain de Marie de Nègre d’Ables ne pouvait avoir en main un document détenu par la bibliothèque de l’université de Cambridge depuis 1585 et qui ne serait édité pour la première fois qu’en 1793. De plus la signature initiatique de B. Saunière decouverte dernièrement dans le petit parchmin abonde dans ce sens.

L’abbé Bigou finit sa vie en exil. Le 20 février 1791, il prêta serment avec restriction sur la nouvelle constitution. Il fut récusé et déporté en Espagne jusqu’en 1793. Jean Antoine Camp, curé constitutionnel, lui succéda à la cure de Rennes-le-Château[1].

A. Bigou n’est pas plus l’auteur du grand manuscrit. Le Codex Bezae était nécessaire pour élaborer les deux parchemins codés. Il ne put donc pas les cacher dans un pilier Wisigoth de l'église de Rennes-le-Château, quel que fut le lieu de son décès. Ce dernier point, que tout chercheur un peu fouineur connaît depuis longtemps, n’a aucun intérêt. D’ailleurs, la Société des Arts et Sciences de Carcassonne écrit dans son bulletin de 1918 : « Il possédait des biens à Quillan où il résida en dernier lieu »[2].

Si l’abbé Bigou est intervenu dans cette affaire, on ne sait trop à quel niveau. Pour l’épitaphe de la stèle de la marquise de Blanchefort, il peut être mis hors de cause. Il n’a pas pu la graver, voire la créer. L’épitaphe est l’anagramme parfaite du message crypté de « Bergère pas de tentation... » additionnée du « PS Praecum » de la dalle horizontale. En voici la démonstration :

BERGERE PAS DE TENTATION
QUE POUSSIN TENIERS GARDENT LA CLEF
PAXDCLXXXI (681)
PAR LA CROIX ET CE CHEVAL DE DIEU
J'ACHEVE CE DAEMON DE GARDIEN
A MIDI POMMES BLEUES
=
+ PS PRAECUM
Message crypté du grand parchemin et l'épitaphe anagrammée
de la marquise dissimulant la clé "Mort-épée"

Une question survient inopinément : à quoi sert la clé de décryptage« MORTEPEE », si le message codé définitif est l'épitaphe anagrammée dissimilant également cette clé ? On a l'impression de défoncer des portes ouvertes ! Encore fallait-il découvrir une anagramme dont la date de naissance remonte à 1905 au plus tard, puisque cette stèle et son épitaphe sont authentiques. Nous y reviendrons.
Les œuvres de 1860 du peintre Eugène Delacroix, dans l’église Saint-Sulpice, étant un thème codé dans le message, l’abbé Bigou ne pouvait en avoir connaissance soixante-dix ou quatre-vingt ans plus tôt. Et peut-on croire qu’un chapelain s’échine à graver l’épitaphe d’une de ses ouailles, fut-elle marquise, seigneuresse du château ? C’était généralement la tâche incombant au fossoyeur.

Le seul rôle à imputer à l’abbé Bigou serait celui de passeur de documents, en les dissimulant dans le tombeau des seigneurs de Rennes ou celui de la dame de Blanchefort. Des archives, familiales hypothétiques, n’ayant rien de commun avec les deux parchemins cryptés, rappelons-le.

L’information selon laquelle il aurait commandé le transfert de la dalle horizontale à un certain Guillaume Tiffou est à prendre avec la plus grande précaution. Commenté abondamment, il faut quand même garder à l’esprit que le renseignement vient de l’apocryphe bourré d’erreurs, « Le Cercle d’Ulysse », écrit en 1977 par un affidé du Prieuré de Sion de 1956, le pseudo Jean Delaude. Un témoignage oral, suivant la tradition, pourrait accréditer cette thèse, nous le verrons plus loin.

 

2- L’église Saint-Sulpice de Paris, Sainte Roseline et le lien à la Rose Ligne : FAUX.

Ste Roseline, décédée le 17 janvier 1329, n’était pas dans le calendrier dans la première année du XXe siècle. A l’époque de Bérenger Saunière, seuls saint Antoine ermite, saint Genou et sainte Léonie étaient honorés le 17 janvier. Saint Sulpice, lui, était fêté le 19 janvier.

Beaucoup d’exégètes de l’affaire de Rennes ont voulu voir, en cette religieuse de l’Ordre des Chartreux, le symbole de la Rosslyn Chapel édifiée par les Templiers en Ecosse, la Rose Ligne ou Ligne Rouge du méridien de Paris en l’associant au gnomon astronomique situé dans l’église de Saint-Sulpice. Or, d’une part le méridien de Paris ne passe absolument pas dans cette église et d’autre part le gnomon, prétendu rouge, puisque quelques uns le disent en cuivre, est en réalité jaune puisqu’il est en laiton. Détails dérisoires certes, mais qui en disent long car le gnomon est un instrument astronomique.

Roseline de Villeneuve n’ayant pas de relation directe avec Saint-Sulpice, la chapelle écossaise peut aussi être effacée d’un scénario « Saint Graal » à la sauce anglo-saxonne « davincicodesque ». L’église Saint-Sulpice de Paris tient un tout autre rôle d’importance dans l’affaire. Elle fera l’objet d’une notice séparée.

 

Lettre de Ph. de Cherisey, 11 juillet 1985 (*)

3- Le témoignage de Ph. de Chérisey : FAUX.

Il faut bien l’avouer, Philippe de Chérisey, acteur de son état, a joué la comédie toute sa vie. On ne peut donc pas prendre au comptant toutes ses déclarations, quelles soient en faveur ou contre l’affaire.

Toute l’érudition du marquis n’aura pas suffi pour faire de l’histoire de Rennes-le-Château une simple farce. En effet, nous avons mis au jour un nombre indiscutable de preuves démontrant que Ph. de Chérisey fut, certes, un acteur fort « zélé » mais plus encore : un maître dans l’art de brouiller les pistes et dans la manipulation de masse.

Nous avons déjà énuméré toutes les preuves de cette manipulation. Mais puisque nous en annonçons périodiquement, un récapitulatif de plus ne sera pas superflu :

1 - Son témoignage en faveur du dictionnaire de Dom Cabrol qui ne contient aucun extrait du Codex Bezae.

2 - Son inutile explication de "Secundo Primo", que l’on retrouve dans de nombreuses publications. La Vulgate a retenu l’expression. De Chérisey n’avait pas besoin d’un texte en onciale pour la découvrir.

3 - Sa méconnaissance de l’hymne à Marie-Madeleine écrite par Odon de Cluny.

4 - Sa méconnaissance du contenu véritable du Ch.VI de l’évangile de st Luc dans le Codex Bezae.

5 - Sa méconnaissance de la portée gnostique du Codex Bezae dans le monde ésotérique chrétien ou chez les francs-maçons.

6- Sa lettre à P. Plantard avouant qu’il n’est pas l’auteur de l’ouvrage Circuit[3].

Quoi qu’on en dise, même s’il connaissait la plupart de ces documents, il n’en n’a jamais parlé. Ce qui suffit pour écarter toute supercherie venant de lui pour ce qui concerne l'origine des parchemins.

 

Rapport officiel sur l'état de l'église
de Rennes-le-Château en ligne (1Mo)

4- La découverte de deux parchemins cryptés par l’abbé Saunière : VRAI/FAUX.

Non, Bérenger Saunière n’a certainement pas retrouvé les deux manuscrits cryptés de l’affaire dans un pilier du vieil autel de son église, puisque l’abbé Bigou n’en était pas l’auteur. Par contre, tout nous indique que Saunière en fut le rédacteur avec l’aide de l’abbé Boudet, curé de Rennes-les-Bains. Les deux hommes se connaissaient très bien. Les carnets de correspondances du curé de Rennes-le-Château le prouvent.

Néanmoins, nous ne pouvons pas écarter l’hypothèse d’une découverte de documents cachés (pages manquantes du Codex Bezae par exemple) dans un pilier creux, ou ailleurs dans l’église (tombeaux). Ceux-ci ayant été utilisés par notre duo de choc, vers 1900, pour élaborer la première épreuve des deux manuscrits, falsifiés par la suite par Ph. de Chérisey et consort.

Le pilier en lui-même invite à de nouvelles interrogations. Un rapport officiel de 1947 pourrait remettre quelques idées reçues sur la sellette. Le pilier creux ne serait pas celui que l'on croit.

Lire la suite... dans les Dossiers Inédits du Mercure de Gaillon

 

5- Sa rencontre avec Emile Hoffet à Paris : FAUX.

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6- La stèle et l'épitaphe de la marquise de Nègre d'Ables : VRAI.

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7- La famille Stüblein agent des La Rochefoucauld et du comte de Chambord : FAUX.

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8- L’opuscule Pierres Gravées du Languedoc : VRAI/FAUX.

Depuis plusieurs années les planches du fascicule sont certifiées apocryphes car le paraphe d'Eugène Stüblein a été falsifié[10]. C’est un fait avéré. L’unique étude attestée à laquelle il apporta sa contribution fut Description d’un voyage aux établissements thermaux de l’arrondissement de Limoux en 1877. En cinq lettres il détailla ses visites touristiques à Alet, Rennes-les-Bains, Campagne, Quillan, Gignoles et Escouloubre.

La disqualification un peu trop rapide du document ne nous convainc pas. Nous sommes donc partis du postulat suivant : il s’agit d’un vrai document dans le sens où c’est B. Saunière qui en est l’auteur aidé sans doute de Charles, dit Emile, Stüblein, vers 1900. Il devient faux sous la plume des sieurs Plantard et de Chérisey, l'attribuant à l'abbé Joseph Courtaly en 1962. Ou bien il s'agit d'une vraie compilation de documents réalisée par ce dernier, néanmoins falsifiée par le PdS.

En 1879, B. Saunière avait débuté son sacerdoce en tant que vicaire dans l’ancien archevêché d'Alet-les-Bains. Lui et Emile Stüblein avaient noué des liens à cette époque. Notre affirmation ne sort pas d’un chapeau. Nous avons la preuve que Bérenger Saunière était en relation d’affaires avec Emile stüblein, frère d’Eugène Stüblein le prétendu auteur de « Pierres Gravées du Languedoc ».

On découvre, en effet, B. Saunière contractant en 1903 une assurance. Dans une lettre en date du 16 mars, il demande à E. Stüblein de renouveler l’assurance… (le reste du libellé est illisible). Le 3 novembre de la même année Stüblein lui envoie des imprimés… (le reste est illisible).

Ces nouvelles informations permettent de regarder sous un nouveau jour le livret dont les planches sont attribuées à Eugène Stüblein et la dalle mortuaire de Marie de Nègre d’Ables.

Si nous regardons de près les pages de l’opuscule dénaturé, nous remarquerons qu’elles sont composées de collages ou reproductions manuscrites de provenances diverses. L’iconographie épigraphique provient du livre de Julien Sacaze, Inscriptions antiques des Pyrénées[11].

L’iconographie des pages 183 et 184 : (planches N°XVI et XVII), publiée dans pierres gravées du Languedoc ce sont les copies manuscrites des figures signées Julien Sacaze et Adrien Allmer (sculpteur) en 1892.

gravures E. Stübleingravures J. Sacaze

Le fragment de la page 185 : (planche N°XVIII), que l’on s’est empressé de mettre au placard, soulève d’autres questions. Il n’est pas la représentation fidèle de la gravure de Sacaze. Le numéro de planche reste le même : 18 / XVIII. L’auteur d’Inscriptions antiques des Pyrénées nous prévient : « J’ai égaré une de mes notes spécialement consacrée à ce monument ; il m’est donc impossible de donner ici les indications supplémentaires ».

Il retranscrit toutefois le texte latin dans ses grandes lignes : [Dis manibus] L(ucii) Calpu (rnii), Vol(tinia), Seni[sionis] ? Seni[lis] ? de sua pec(unia) [faciendum] c[uravit], et le traduit par « Aux dieux Mânes de Lucius Calpurnius Senico de la tribu de Voltinia. Tombeau qu’il s’est lui-même préparé de ses deniers ».

gravures E. Stübleingravures J. Sacaze

Aucun commentaire de notre historien de renom, sur le lieu de la découverte à Rennes-les-Bains, n’accompagne ce fragment : il a égaré ses documents, conclut-il. Contre toute attente, le faussaire éponyme d’Eugène Stüblein apporte ce qui semble être la seule parcelle de vérité dans cette vaste mystification. Il soutient qu’il s’agit d’un fragment de marbre blanc, de la croix du Cercle, découvert à Rennes-les-Bains déposé chez M. Cailhol à Alet. A moins que ce ne soit une pure invention, mais pourquoi en douterions-nous ?  Eugène Stüblein n’en reste pas moins le faire valoir de l’affaire. Par contre Emile, son frère, enseignant et agent d’assurances à Alet, en contact privilégié avec B. Saunière pour différentes affaires, est le candidat idéal pour effectuer ce travail de dessin.

Ce dernier débris épigraphique (p.185), que nous attribuerons dorénavant à Emile Stüblein, n’a pas sa réplique dans l’œuvre de J. Sacaze. Il demeure néanmoins dans la même veine d’inspiration : la disposition et le numéro de planche sont similaires. Mais dans le texte ou dans la forme, beaucoup d’éléments divergent. Aucun de ces modèles de gravure n’a pu servir au copiste Emile Stüblein ; nous avons vérifié. Le texte latin est relativement différent[12].

Viennent ensuite les deux planches du buste présumé de saint Dagobert II aux pages 186 et 187, planches N°XIX et XX. Une est parée du carré Rotas sur la face arrière. Ici, un vrai nœud enserre toutes nos spéculations. D’où viennent réellement ces dessins ? A première vue, c’est un pur ajout de P. Plantard auquel il a jouté un texte titré " Légende Dagobert ". Texte sur lequel nous allons revenir plus loin. . Néanmoins l’information de base, tête de st Dagobert II, se vérifie. Dans sa Vraie Langue Celtique, l’abbé Boudet parle d’une tête de Sauveur trouvée sur les hauteurs de Rennes-les-Bains.

Notre enquête nous a guidés jusqu’à la bibliothèque de Rouen. Là, nous avons retrouvé un dépôt assez curieux, des deux planches uniquement, avec la note de l’abbé Courtauly. Dépôt effectué en juillet 1966, un mois après le dépôt légal à la BnF, par Alex Bloch (1895-1970), érudit rouennais, spécialiste du carré Rotas. Sa plaquette ne comporte pas le collage « légende Dagobert II» de l’exemplaire de la BnF.

Exemplaire BnFExemplaire A. Boch
Biblio de Rouen

A. Bloch semble être connu du milieu Rhedaesien dès la fin des années 60. Au début de cette période, il rédige un grand nombre d’ouvrages qui resteront à l’état de manuscrits (ou tapuscrits). Il en fera un dépôt à la bibliothèque de Rouen et à la BnF. En 1984, J.-L. Chaumeil évoque ses travaux dans « Le Trésor des Templiers »[13].

Extrait correspondance
A. Bloch / Abbé Delmas curé de RLB
Consuler le document complet dans le FANUM II.

Un ami nous a communiqué les manuscrits d’A. Bloch. C’est une mine d’informations sur tous les carrés Rotas de France. Ainsi y découvre-t-on une autre évocation du carré Rotas de Rennes-les-Bains avec la figure de Dagobert II accompagnée d’un commentaire, litigieux sur la provenance. Malgré cela, suivant ce commentaire, une lettre en date du 19 août 1966 émanant du curé de Rennes-les-Bains vient contrecarrer de vieilles certitudes. L’abbé Delmas, puisque tel est le nom de ce curé de 1966 homonyme de celui de 1709, explique à A. Bloch : « Dans le mur du presbytère de Rennes-les-Bains, se trouve toujours une pierre gravée que l’on prétend être la tête de Dagobert II et dont vous avez la planche dans le livre de Stüblein. Cette tête a été très abîmée par le temps, elle est encastrée dans un mur et on ne peut voir le carré magique que signale la planche Stüblein ........... Cette tête aurait été retirée d’un meulier du lieu-dit « pla de la Brugos » (le plateau des sorcières).

Cette pierre intrigue beaucoup de chercheurs, car il y a des concordances pour le moins drôles avec des documents écrits et des pierres tombales de Rennes-les-Bains et Rennes-le-Château. »

On ne peut suspecter A. Bloch, ni le curé Delmas, de collusion avec le Prieuré de Sion de 1956. Le dépôt à la BnF de « Pierres Gravés du Languedoc » date du 20 juin 1966, le dépôt de Rouen par A. Bloch fut effectué le 20 juillet, la lettre du curé est du 19 août et le livre de G. de Sède fut publié en 1967. Comment le curé Delmas aurait-il pu connaître l’opuscule Stüblein aussi bien ? Encore une fois, il faut se rendre à l’évidence que les « planches de Stüblein » ont une origine réelle et un maquillage certain. De plus, les notes d'A. Bloch font références à une oeuvre d' E. Stüblein en 8 volumes mentionnant uniquement la cote BnF de la plaquette apocryphe. Tous ces éléments contradictoires laissent planer le doute car toutes les planches ont subi des falsifications.
La N°XIX (ou p.186), sans savoir qui est véritablement l’auteur du dessin du buste, nous pouvons affirmer sans ambages que le texte dit « Légende Dagobert » est une addition « bâtarde » du PdS tirée d’un ouvrage du XVIIe siècle ayant pour titre : Le voyage de France, dressé pour l'instruction & commodité tant des françois que les estranges, par Claude de Varennes, 1641 (cf. informations publiées en exclusivités en 2010 dans le Mercure de Gaillon n°10). Outre la description succincte de nombreuses villes de France, l’auteur retrace l’ordre chronologique du règne des rois de France. La première édition de cet ouvrage date de 1639. Plusieurs de ces éditions sont disponibles en ligne : 1641, 1643, 1648. Sur chacune, le paragraphe concernant Dagobert II (comme fils de Childebert II) en tant que roi est identique. Bien que des publications aussi anciennes n'aient jamais été employées par P. Plantard ou Ph. de Chérisey, ce collage est un de leurs ajouts pour accréditer leur thèse mérovingienne. L'épreuve de la bibliothèque de Rouen ne présentant pas cet appendice nous conforte dans notre hypothèse. Et de constater deux falsifications grossières sur la planche n°XIX de l’opuscule Stüblein / Courtaly, à imputer aux faussaires du PdS. La première, où le nom de Childebert a été maquillé en Sigebert (en début de paragraphe). La seconde, où le lieu de réclusion du fils de Dagobert II devient l’abbaye d’Oeren (ou Ste Irmine à Trèves) alors que l’originale stipule l’abbaye de Chelles. Malgré une différence au nombre 27, écrit en lettres dans la version originale, la source est bien extraite de l'œuvre de C. de Varennes, dans une des quatre éditions connues. Celle de 1641 semble être la bonne.

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Extrait de: Le voyage de France dressé pour l'instruction & commodité
tant des françois que des étrangers, par Claude de Varennes 1648

L’histoire pourrait s’arrêter là, mais il y a encore plus fort, car le Dagobert II de cette pseudo légende, mort en 715 n’est pas le bon. L’authentique lignage royal de Dagobert II avait été remis au jour par le père Henschenius en 1623 : Sigebert III père de Dagobert II lui-même père de Sigebert IV (cf. Mercure de Gaillon N°1). Sigebert III et son fils ne sont pourtant pas oubliés dans la généalogie de Claude de Varennes. Ils sont juste escamotés de l’histoire entre 644/660 et victimes d’une tentative de réhabilitation hasardeuse vers 1956.

Pour un Prieuré de Sion, en recherche du roi perdu, prétendant être le gardien de la flamme de la lignée mérovingienne de Sigebert IV, il y a du souci à se faire. Comment P. Plantard ou Ph. De Cherisey ont-ils pu commettre cette bévue ? En effaçant les dates rapportées par C. de Varennes pensaient-ils que leur supercherie aurait été plus crédible ? La généalogie des rois de France de cet auteur étant erronée, en avaient-ils connaissance ? Peut-être, mais leur savoir était insuffisant. S’ils avaient eu en main l’ouvrage du père Henschenius, ils n’auraient pas eu besoin de grossiers artifices pour faire passer le message.

Tous ces faits mis bout à bout renforcent notre conviction que des documents glanés dans les archives personnelles de B. Saunière (et H. Boudet) puis falsifiés par un PdS manquant d’information.

Si ce n'est l'abbé Courtaly, Emile Stüblein et B. Saunière sont les auteurs potentiels du montage de la plaquette. Confortée par l’acte de mariage de Charles Stüblein, une étude graphologique minimale démontre une certaine similarité entre la signature d’Emile Stüblein et celle reproduite dans l’opuscule attribué à son frère. En outre, en analysant l’écriture de l’abbé Saunière tout porte à croire que le curé est l’auteur de la plupart des légendes du même document.

A la page 188 : (planche N°XXI), arrive la stèle et l’épitaphe de la dame de Blanchefort. Sans revenir sur nos propos du point n°6, chacun aura remarqué la parenté entre l’épreuve dite de Stüblein en 1884 et celle de 1905 du bulletin de la SESA de 1906. Or, un anachronisme est flagrant. Un dessin réalisé en 1905 ne pouvait être reproduit en 1884. L’inverse ne peut-être invoqué non plus, car E. Tisseyre ne donne aucune référence sur la provenance de son dessin. La planche dite de Stüblein de 1884 ne lui a pas servi sauf si le véritable auteur de l’épitaphe est B. Saunière avant 1905, comme nous le supposons.

Ce texte, plus PS PRAECUM de la dalle (à suivre), étant l’anagramme parfaite du message crypté, cela suffit pour affirmer que la trame matérielle (documents, parchemins, archives) de l’énigme de Rennes-le-Château n’est pas une invention d’après guerre ou postmoderne. La prétendue « farce » a commencé dès 1905. Un grand nombre de traces a été laissé par l’abbé Saunière pour la postérité. Le Prieuré de Sion de 1956 en a retrouvé certaines et les a maquillées. Le Mercure - philosophique - est un démaquillant, nettoyant utile pas seulement aux alchimistes.

La page 189 : (planche n°XXII), est consacrée à la dalle horizontale de la tombe de la marquise de Blanchefort. Selon Franck Marie, citant l’abbé Mazières, la pierre tombale de Marie de Négri d’Ables aurait été une dalle de réemploi provenant du tènement où sera construit plus tard le tombeau dit « des Pontils », réplique du tombeau des Bergers d’Arcadie de Nicolas de Poussin. L’ancien cadastre napoléonien mentionne bien un cimetière ayant existé autrefois dans le secteur des Pontils.

C’est un certain Guillaume Tiffou, meunier des Bains de Rennes, qui fut chargé du transfert à Rennes-le-Château, sur un ordre écrit de l’abbé Bigou conservé à l’évêché, en novembre 1789. Que doit-on penser de ces assertions que l’on retrouve dans un des apocryphes du Prieuré de Sion, le Cercle d’Ulysse, sous la plume du pseudo Jean Delaude en 1977 ? Aucun document écrit n’a été découvert prouvant ce déplacement. Seul le témoignage oral de l’abbé Mazières rapporté par F. Marie subsiste.

Selon R. Descadeillas, G. Tiffou était l’homme le plus puissant de la vallée[14]. Il était gérant de l’auberge du village. De 1801 à 1817, il était maire de Rennes-les-Bains et n’avait eu de cesse de nuire à la famille de Fleury, ses anciens maîtres. Il avait acquis un grand nombre de leurs biens dès 1795 et avait sous sa coupe Pierre Cros, arrière-sous-fermier à la métairie de la Fontaine Salée[15]. Nous voilà soudainement replongés dans les méandres quasi insondables des archives d’Hautpoul vendues chez Drouot le 16 octobre 2009.

Déplacée sur ordre en 1789, la dalle a pu servir de point de repère à B. Saunière en 1900 pour faire édifier le « tombeau de Poussin ». Quant à la sentence - ET IN ARCADIA EGO - c’est une clef de décodage épigraphique existant depuis déjà très longtemps, façonnée pour le document «Pierres gravées du Languedoc» par Emile Stüblein et l’abbé Saunière. Ce dernier tentant de nous mettre en garde tout en nous guidant vers le secret du CODEX BEZAE connu de Nicolas Poussin.

Une autre clé de cryptage fut gravée en chiffres romains, LIXLIXL, sur la tombe de la dame de Blanchefort par Bérenger Saunière[16] pour souligner la portée universelle du Codex Bezae. Ces chiffres, calculés en sens inverse (habitude à prendre) LXILXIL, nous donnent 61 x 61 x 50 soit un total de 186 050. Le X nous engage à la multiplication plus qu’à l’addition ou autre opération. On aura vite repéré 186 (cf. pax 681), page du Codex Bezae où sont situés les versets 1 à 5 de Luc du chapitre VI qui nous intéresse.

Le relevé imprimé dans la brochure concédée indûment à Eugène Stüblein nous apporte sur un plateau pax (dans l’épitaphe) et 681 (numéro de page retourné : 189). Cet ensemble se voyant confirmé par la combinaison secrète inversée de LIXLIXL.

Enfin à la page 190 : (planche XXIII), est reproduite la gravure de la dalle des chevaliers découverte par l’abbé Saunière dans son église, publiée pour la première fois en 1927 par la SESA. L’exemplaire de la BnF ne contient plus cette planche. Elle a disparu comme beaucoup de preuves gênantes. Toutefois, des copies récentes existent encore. La comparaison avec la planche Stüblein montre qu’il s’agit d’un dessin révélant des différences notables avec la gravure le bulletin de la SESA.

En résumé, les planches épigraphiques n°XVI et n°XVII proviennent du livre de Julien Sacaze, la n°XVIII et les planches où sont dessinées la tête dite de Dagobert II (pl. XIX, XX), la stèle et la pierre tombale de M. de Nègre d’Ables (pl. XXI, XXII) sont des créations de B. Saunière et Emile Stüblein. Le collage du texte de la " légende Dagobert " est extrait d'une génélogie de Clauce de Varennes publiée en 1641. Le dessin de la dalle des chevaliers (pl. XXIII), seul monument lapidaire incontestable dans son intégralité, est peut-être le seul ajout de l’équipe Plantard, s’il ne s’agit pas d’un dessin du duo Saunière/Stüblein.





 


Th. Garnier


Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 

© 30 octobre 2009 - M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.


Mis à jour le 12 mars 2024.

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[1] Histoire du clergé de l’Aude, de 1789 à 1803, par A. Sabarthès, 1939, p.62 et 98

[2] Mémoires de la SASC, 1918, p.32

[3] Le Cercle, P. et Th. Plantard, 1992, p.61.

[...]

[10] Histoire du trésor de RLC, P. Jarnac, éd. Belisane, 1998, p.275 et suivantes.

[11] Inscriptions antiques des Pyrénées, J. Sacaze, éd.  Privat, 1892. Réédité en 1990 à 300 exemplaires, p.46 à 50. Consuler le document dans le FANUM II.

[12] Arcana Codex Livre II, du Da Vinci Code au Codex Bezae, Th. Garnier, M2G Editions, 2006.

[13] Ed. H. Verrier, p.98.

[14] Rennes et ses derniers seigneurs, R. Descadeillas, 1962, p.178.

[15] Annales du Midi, v. 71, université de Toulouse, 1959, p.133.

[16] Cf., Gaston Sudre domicilié à Rennes-les-Bains. Il fut enfant de chœur de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château.