Généalogie des rois mérovingiens
du vrai et du faux
(partie III)

A - Les tablettes du lignage royal



Part I - Le dossier Rennes-le-Château, du vrai et du faux - premier bilan
Part II - Les 7 clés du Serpent Rouge
Part IV - Généalogie des rois mérovingiens, les Manuscrits ou généalogies mérovingiennes de l’abbé Pichon (B)


Cette page avait disparu depuis les années 1960/70. Elle contenait une reproduction de la fameuse dalle. Par bonheur, aujourd’hui, un nouvel exemplaire complet est disponible à la BnF sous la cote 8-S-6742 - 1927. Nous y lirons également une excursion aux ruines du château du Bézu, pages qui avaient aussi été arrachées.

Après avoir épluché les Dossiers Secrets d’Henri Lobineau et conclu en apothéose par la Légende de Dagobert, collage inclus dans « Pierres Gravées du Languedoc » d’E. Stüblein, provenant d’un ouvrage de 1648, nous venons d’apprendre la réapparition, à la BnF, de la gravure de la dalle, dite des chevaliers, publiée par la SESA[1].

Beaucoup de preuves, relatives à l’affaire de Rennes-le-Château, émergent de plus en plus rapidement. Le Serpent Rouge, autre publication apocryphe, pilier de l’histoire, tiendra ses promesses. Mais avant de vous dévoiler ce qu’est réellement cet opuscule de 1967 qui a fait couler tant d’encre et dérouler des kilomètres de pellicules cinématographiques avec le roman « Da Vinci Code », pour n’en citer qu’un, voyons d’abord ce qu’il en est de cette fameuse Généalogie des rois Mérovingiens, travail rapporté par le présumé, non moins célèbre, H. Lobineau[2], faire valoir du Prieuré de Sion.

 

- (*) - Généalogie des rois mérovingiens et origine des diverses familles françaises et étrangères de souche mérovingienne (Sommaire), apocryphe d'H. Lobineau
Version complète disponible dans le FANUM II

Description du matériel

 

L’ouvrage se présente comme une succession d’arbres généalogiques des comtes, des ducs de Bar et de Lorraine, de Dagobert Ier, des comtes de Razès, de Boulogne, de Bouillon, des familles de Buchet, d’Igny, de Lenoncourt, de Liseras, de Guitry, de Mareuil, et enfin de Gisors et de Saint-Clair.

Les références de ces travaux seraient les écrits de l’abbé Pichon en 1814, du Dr Hervé (1843), d’un généalogiste nommé Hamberg (1912), de Gédéon Dubreuil (1857) historien de Gisors. On y trouve aussi les parchemins de l’abbé Saunière et le manuscrit de l’abbé Denyau sur l’histoire Gisors en deux volumes.

Pierre Plantard, qui est le véritable commanditaire et auteur des généalogies, y a ajouté une page d’une revue titrée « la Semaine Catholique Genevoise » et une carte de l’ancien pays audois.

Inutile de vous préciser que ces filiations ont été montées de toutes pièces à  partir de documents véritables mais tronqués à souhait. Il suffit de connaître la véritable provenance des deux parchemins cryptés du curé de Rennes-le-Château pour se faire une idée de tout le reste. En créant et en antidatant ces tableaux, il apportait des pièces justificatives, apocryphes, aux Dossiers Secrets qui viendraient plus tard.

La carte géographique a été tirée du livre d’Elie Griffe « Histoire religieuse des anciens pays de l'Aude »[3]. Comme nombre d’archives récupérées et utilisées par le Prieuré de Sion, elle a juste été retouchée, voire recopiée. Nous avons pu faire la comparaison avec un original de cette carte publiée par Pierre Jarnac[4]. Dans les Généalogies Mérovingiennes Lobineau, la carte a été recopiée et dans « Un trésor mérovingien à RLC »[5] elle n’a été que retouchée.



Carte originale d'E. Griffe (cf. Histoire du trésor de RLC, P. Jarnac)Copie de la carte d'E. Griffe, attribuée faussement à l'abbé Pichon, in "Un trésor mérovingien à RLC", par A. l'ErmitteCopie de la carte d'E. Griffe, attribuée faussement à l'abbé Pichon, in "Généalogie des Rois Mérovingiens", par H. Lobineau

Le feuillet de la « Semaine Catholique Genevoise » semble être une pure invention. A notre connaissance, il n’existe en effet aucune revue portant se titre, même ailleurs en Suisse.

Nous reviendrons bien entendu sur les références. Nous allons, auparavant, démontrer la nature frauduleuse des tableaux généalogiques en prenant pour exemple celui de Dagobert Ier, des familles de Gisors, de Guitry, de Mareuil et de Saint-Clair.

 

La descendance de Dagobert Ier

 

Nous ne remettons pas en cause la vie de Dagobert II et l’existence de Sigebert IV. Des auteurs anciens tel Adrien de Vallois ou le père Henschenius[6] mentionnent ce dernier clairement comme fils de Dagobert II.

A l’âge de sept ans, Dagobert II, fils de Sigebert III et petit-fils de Dagobert Ier, roi d’Austrasie fut envoyé dans le monastère irlandais[7] de Slane (on le dit aussi en Ecosse) en 654 par Grimoald, maire de palais corrompu. Ce dernier l’avait fait passer pour mort après avoir tenté de le faire assassiner dans son couvent. Le jeune prince échappa aux mains du meurtrier envoyé par Grimoald et s’enfuit. Il parcourut ainsi longtemps l’Irlande, l’Angleterre et la Bretagne[8] sous l’identité obscure d’un étranger. Puis il fit la connaissance de Wilfrid d’York. Evêque clairvoyant, Wilfrid s’intéressa au jeune Dagobert et fit tout son possible pour le ramener sur le trône d’Austrasie. Les desseins du prélat se réalisèrent en 674 quand la forfaiture de l’usurpateur Grimoald fut démasquée. Les princes d’Austrasie ouvrirent le tombeau de Dagobert II prétendu mort et en voyant la sépulture vide ils destituèrent le maire de palais félon puis l’envoyèrent à Clovis II, oncle de Dagobert, qui le fera exécuter.

Dagobert II avait épousé pendant son exil une saxonne dénommé Mectilde (ou Mathilde). De ce mariage naquirent cinq enfants, quatre filles et un fils : SIGEBERT né en 661 était l’aîné[9], suivaient Irmine[10] abbesse d’Oeren, Adèle abbesse de Palatiol au diocèse de Trêves, puis Ratilde sourde et muette et enfin Ragnetrude, dont il est fait mention dans le testament de sa sœur Adèle.

Nous avons donné cette histoire détaillée, suivant celle des comtes de Madrie et de Razès, dans le Mercure de Gaillon N°1. Il est franchement étrange de ne pas trouver une référence au père Henschenius dans les généalogies Lobineau, alors qu’il est le premier, bien avant A. de Vallois, à réhabiliter la mémoire de Dagobert II et de son fils Sigebert IV, le roi perdu.

Un roi perdu ! C’est du pain béni pour qui veut s'octroyer quelque descendance royale française mérovingienne. Plantard ne fut pas le seul à tenter le coup. On se souviendra de la famille Bush, celle des deux Georges, deux « Bonesmen[11] », fauteurs de guerre en Irak, dont certains généalogistes dociles et patentés attribuèrent une origine royale européenne. La même équipe, de l’Eglise Mormone, une des têtes de l’hydre Illuminati, semble vouloir rejouer le même scénario avec Barack Obamma, président des Etats-Unis. Elle lui donne en effet non seulement un cousinage avec Dick Cheney, autre « Bonesman », ex-vice président coupable de crime de guerre en Irak au même titre que son complice G.W. Bush, mais aussi des racines françaises[12]… alsaciennes… rien de moins ! Alsace, partie de l’ancien royaume d’Austrasie de Dagobert II… La manipulation de masse continue. Jusqu’où iront-ils ?

Or, si Sigebert IV reste un roi perdu, certains historiens ont donné un deuxième fils, à Dagobert II, voire un troisième ou un quatrième. M. Charles Grellet-Balguerie[13] cite Clovis III ayant régné cinq ans sur le royaume d’Austrasie. A l’appui de ces affirmations viennent plusieurs diplômes et chartes du règne de Clovis III. Selon l’auteur on ne devra plus le confondre avec le fils de Thierry III. Quant au R.P. Buffier[14] de la Compagnie de Jésus, à l’instar de G. Henschenius, il nomme Clotaire IV et Thierry[15]. Nous voici maintenant en présence de quatre rois, plus ou moins perdus ! A moins que Clovis III Clotaire IV ou Thierry ne soient en réalité Sigebert IV… Ces nouvelles informations tirées de sources irréfutables jettent le trouble dans nos recherches. Vacillant sur ses fondements, le scénario « plantardo-rhedaesien » est encore un peu plus plombé.

Outre la survivance de Sigebert IV, de Clovis III Clotaire IV ou Thierry, le lieu de sépulture de Dagobert II est sujet à discussion. Assassiné le 23 décembre 679, on le dit inhumé en l’église Saint-Pierre de Rouen[16] ou bien à Stenay, comme le racontent les historiens de l’est de la France[17]. Une double sépulture est envisageable puisqu’il était de coutume à cette époque de conserver le corps dans un tombeau et ses entrailles dans un autre. Les sépultures de Charles de Bourbon, archevêque de Rouen et roi de la Ligue, sous le nom de Charles X, à Gaillon et Fontenay-le-Comte en font foi.

 

La famille de Gisors

 

Au XIe siècle Gisors était une seigneurie sous la domination des comtes du Vexin, sous tutelle normande, héritiers de Galeran (ou Walaran) comte de Meulan. L’Église de Rouen y possédait encore ses terres. Gauthier, fils de Galeran, puis Gauthier II, Raoul le Grand et enfin Raoul II se succédèrent dans le comté du Vexin. Raoul II devint le gardien des biens du clergé rouennais.

Vient ensuite Simon, son fils, qui tint Gisors et Neaufles jusqu’à la restitution de ses biens à l’archevêque de Rouen vers 1075. A partir de cette date Gisors passe dans la maison des héritiers de Chaumont-en-Vexin qui fit alliance avec celle de Boury (ou Bodris, Bodrys). Si l’on en juge par une charte de 1105 mentionnant la rétrocession des terres de Gisors à l’archevêché de Rouen, Raoul II comte de Meulan est aussi celui que l’on appelle Raoul de Bodrys[18].

L’arbre généalogique de la maison de Boury-en-Vexin est difficile à établir. Nous pouvons toutefois en extrapoler une branche par Geoffroy[19] donné pour grand-père de Mathilde de Boury. Elle épousa Hugues Ier de Chaumont, dit « Francon ». De ce mariage naquit Thibault dit « Payen », futur seigneur de Gisors.

La meilleure source sur la généalogie de la Maison de Gisors est une étude de J. Depoin « Les Châtelains de Gisors »[20]. On trouvera encore un grand nombre d’informations sur la famille de Gisors dans le cartulaire de l’abbaye Saint-Martin de Pontoise où la plupart de ses membres furent inhumés. Ce sont des références vérifiables et accessibles passant par-dessus la tête de P. Plantard.

En aucun cas il n’existe de parenté entre Thibaut Payen, fils de Hugues de Gisors, et Hugues de Payens, fondateur de l’Ordre des Templiers. Le rôle des Templiers de Gisors s’y joue autrement, et surtout sans en minimiser le poids et les conséquences. Voyez cette histoire complète dans le Mercure de Gaillon N°2 ou dans le FANUM II.

 

La famille de Saint-Clair

 

Il existe en France pas moins de seize communes portant le nom de Saint-Clair. En Normandie, nous en connaissons six. Pour notre histoire, nous nous bornerons simplement à celle de Saint-Clair-sur-Epte et Saint-Clair-sur-Elle. 

Au commencement était la famille de Saint-Clair sur Epte, près de Gisors, site où, selon la légende, fut exécuté le saint éponyme[21]. Plus tard on y ratifia le célèbre traité de Saint-Clair (911) faisant de la Normandie un état souverain.

La généalogie de cette famille de Saint-Clair-sur-Epte est si approximative que le Prieuré a tôt fait de mêler ses racines à la famille de Sinclair d’Ecosse. Lié depuis fort longtemps à la franc-maçonnerie écossaise, cette famille portait en effet le même nom, écrit de la même manière, à ceci près que les Saint-Clair (ou Sinclair) d’Ecosse sont issus d’une famille implantée dès le XIe siècle à Saint-Clair-sur-Elle, dans la Manche. Le premier du nom était Walderne qui, en épousant Marguerite fille de Richard II et de Judith de Bretagne, obtint du duc de Normandie les terres de Saint-Clair-sur-Elle.

Le Prieuré de Sion avait donné pour femme à Henry de Sinclair, second baron de Rosslyn, Isabelle de Levy, introuvable dans la généalogie des barons de Rosslyn. En réalité il se maria avec Rosabel (ou Katherine) de Strathern. De même, le Prieuré lui donna pour fille Marie de Saint-Clair, Grand-Maître du Prieuré de Sion vers 1220. Ce qui est évidemment faux puisque c'est son fils, Henri de Sinclair deuxième du nom, qui eut une fille se prénommant Marie, issue de son mariage avec Margareth Grathenay[22]. Cette Marie de Sinclair ne fut, par ailleurs, jamais mariée à Jean de Gisors comme le soutient le Prieuré. C’est en effet à ce moment précis de l’histoire qu’il a tenté de mélanger une troisième lignée de Saint-Clair, exprimée ici par Saint-Cler pour clarifier un lignage fortement embrouillé.

Et l’on découvre ainsi que les Saint-Cler sont une branche de la famille de Chaumont alliée à celle de Gisors. C’est le parfait imbroglio jouant en faveur de la duperie du Prieuré. La famille de Chaumont possédait la seigneurie de Guitry en pays du Vexin dont un fief a été appelé Saint-Cler[23]. Les rejetons de cette branche deviendront les seigneurs de Saint-Clair-sur-Epte.

Vers 1220, Robert de Chaumont, dit le Roux, fils de Osmond II, seigneur de Guitry fut le premier à porter le nom de Saint-Cler. Son trisaïeul, Robert l’Eloquent, était le frère de Hugues de Chaumont père de Thibaud-Payen seigneur de Gisors. Robert le Roux eut trois enfants[24] de sa femme Isabelle.

Tout est encore une fois vérifiable et accessible à tous dans les « Mémoires de la Société Historique et Archéologique de l’arrondissement Pontoise ». P. Plantard en fait la totale abstraction. Voyez cette histoire dans le Mercure de Gaillon N°3 .

Dans cette affaire nous sommes obligés d’examiner les informations sous toutes les coutures. Notre expérience, aussi modeste soit elle, et notre méthode de travail nous protège contre toute forme de manipulation. Les archives étudiées par le Mercure de Gaillon sont issues de nos propres investigations. Nous n’avons reçu l’aide d’aucun clan local tant à Gisors qu’à Rennes-le-Château. Nous n’avons jamais reçu de «documents secrets» par le biais d’une filière occulte quelconque. C’est plutôt bon signe et cela s’explique très facilement. Tout faux document serait très rapidement détecté et les « metteurs en scène » ou farceurs démasqués. Avis aux amateurs !

 


Lire le dossier complet

Mercure de Gaillon N°12

 

Thierry Garnier

 


Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 

© 25 mars 2010 - M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

(*) Voir téléchargement.


[1] Bull. de la Soc. D’Etudes Scientifiques de l’Aude de 1927, p. 197.

[2] Cote BnF : Fol LM3 4122

[3] V.1, Des origines chrétiennes à la fin de l'époque carolingienne, 1933.

[4] Histoire du Trésor de Rennes-le-Château, éd Bélisane, P.Jarnac, 1998, p.27.

[5] Par A. L’Ermite (pseudo).

[6] Diatriba de tibus Dagobertis, par G. Henschenius, Molsheim, 1623-1655.

[7] Histoire de l'Irlande ancienne et moderne, tirée des monuments les plus authentiques, T.I, par James Mac-Geoghegan, Imp. Antoine Boudet, 1758, p.359. Voir aussi, History of the Irish Hierarchy with the Monasteries of Each County, Biographical Notices of the Irish saints, par Thomas Walsh, éd D &J Sadlier, New-York, 1854, p.607.

[8] Histoire générale de l’établissement du christianisme T.II, par Ami Bost, éd. Marc Aurel frères, 1838, p.439.

[9] État de la France dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement Ecclésiastique etc... T.I, par Henri Boulainvilliers et Philippe Mercier, éd. T. Wood & S. Palmer, Londres, 1737, p.280.

[10] La Hollande catholique, par Baptiste Pitra, éd. Librairie classique catholique, 1850, p.97. Voir aussi Mémoire de l’Académie Celtique, par la Société des antiquaires de France, T.III, 1809, p.455.

[13] Deux découvertes historiques. Histoire de Clovis III, nouveau roi de France, 672 ou 673 à 677-678. Authenticité et date précise de la translation du corps de saint Benoît en France. Nouveaux documents, diplômes royaux (l'un de Clovis III), bulles inédites, 1882. Voir aussi la revue « La Légitimité, journal historique hebdomadaire, organe de la survivance du roi martyr», 1886.

[14] Pratique de la mémoire artificielle, pour apprendre et retenir l’histoire, 1712, p.124.

[15] Mémoire sur les trois Dagobert, par le R.-P. Berain, 1717, p.26. A consulter dans le FANUM II.

[16] Histoire de France, depuis Pharamond jusqu'à la vingt-cinquième année du règne de Louis XVIII, T.I, par Jacques Corentin Royou, éd. Le Normant, Paris, 1818, p.103. L’église Saint-Pierre est aujourd’hui appelée Saint-Ouen.

[17] Histoire de Montmedy, par M. Jeantin, 1863.

[18] Recherches historiques sur le tabellionnage royal et principalement en Normandie, par Alexandre Théodore Barabé, Ed. Boissel, Rouen, 1863, p.8.

[19] Histoire de la ville de Gisors, P. Hersan, 1858, p.23.

[20] Mémoires de la société historique et archéologique de Pontoise.

[21] Cf. Le Mercure de Gaillon n°2, avril mai juin 2008.

[22] Généalogie of the Sainteclaires of Rosslyn, par Richard Augustin Hay, 1835.

[23] Dictionnaire topographique du département de l'Eure, par Ernest Poret De Blosseville, imp. Nationale, 1877.

[24] Cartulaire de l'Abbaye de St-Martin Pontoise, J. Depoin, 1909, p.370.