Archives d'Hautpoul ou
les "comptes" de la Fontaine

Liber Tobiae (Partie III)


Part I - Remarques sur un feuillet du Livre de Tobie, mis en vente chez Drouot
Part II - Révélation d’un manuscrit clé du dossier Saunière et des archives Hautpoul
Part IV - Aux sources de l’Ordre de Sion et de la Fontaine
Part V - Les secrets de la Terre Rouge
Part VI - Le coffre scellé des Hautpoul


Catalogue Lafon - vente Drouot 16.10.09

La première mise en vente des documents du Liber Tobiae a tant et si bien surpris la communauté des chercheurs que peu d’entre eux ont pris la peine de s’intéresser vraiment au sujet. Il faut dire qu’ici, les actes officiels passant par un cabinet d’expertise, personne n’a d’emprise sur l’information… à part les vendeurs.

Tout comme le Codex Bezae, les pièces du Liber Tobiae n’ont pas besoin des média, pas plus que d’une promotion à la « Da Vinci Code » pour exister. Les lecteurs, véritables « cherchant », de plus en plus nombreux à suivre nos travaux, savent faire la différence. Les éléments authentiques du dossier éclosent sans artifice, ni paillettes et ne sont pas contrefaits par un service marketing visant uniquement l’aspect commercial de l’histoire. Ce n’est pas « cracher dans la soupe » que de dire cela. Un tel travail d’enquête nécessite non seulement un minimum de déontologie, mais aussi de la prudence.


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Les « Collecteurs » Inconnus

 

Nous savions qu’un jour ou l’autre de vieux papiers authentiques ressurgiraient des bibliothèques poussiéreuses. Cette fois deux lots sont proposés, numérotés 5 et 19 au catalogue. Le lot n°5 concerne une franchise de Bugarach (ci-dessous). Le lot n°19 touche des transactions faites à Sougraigne, Bugarach, l’Eau-Salée et Camps-sur-l’Agly.

Cliquez pour agrandir - Extrait de la franchise de Bugarach
Extrait de la franchise de Bugarach

Les vendeurs restant anonymes, on était jusqu’à présent dans l'incapacité de les identifier. Qui sont-ils ? L’éternelle question ! Aujourd’hui, la brume de mystère les entourant paraîtrait s’estomper plus ou moins, puisque nous avons les noms des deux fonds de bibliothèques privées, mises en vente ce 16 octobre, à notre disposition. Nouvelle vente tant attendue où six documents, divisés en deux lots ont été adjugés (probablement aux AD de l’Aude). Le feuillet du Liber Tobiae a été vendu à un commerçant, libraire. Parmi les six archives, une pièces n’a été ni commentée, ni cataloguée.

Sommes-nous sur la bonne voie ? La lecture du catalogue laisserait à penser que ce sont des bibliothèques peu communes. Elles furent respectivement la propriété d’un certain professeur Henry D. et des marquis de Oilliamson. Compte tenu des noms, nous pourrions croire qu’il s’agit d’archives venues d’Ecosse, transmises de génération en génération.

Les Oilliamson, par exemple, son originaires d’Ecosse. Ils se sont établis en France, en Normandie, sous le règne de Charles VIII[1]. D’Oilliamson est un dérivé de Williamson et chose étonnante, c’est justement un certain Joseph Williamson qui est grand-maître de la maçonnerie écossaise en 1753, après la famille de Saint-Clair. Amalgame infondé me direz vous ! Et bien pas du tout, sachant qu’une ombre anglo-saxonne plane sur cette histoire depuis plus longtemps qu’il n’y semblerait.

Quant à savoir qui est le fameux professeur Henry D., il est fort probable que nous ne le sachions jamais. Le vendeur a peut-être une bonne raison pour garder l’anonymat. Mais là encore, le prénom étant écrit à l’anglaise, nos regards se tournent vers la perfide Albion.

Ces deux fonds d’archives, comme dans la première vente, feraient de leurs vendeurs des pistes bien séduisantes, s’il ne manquait à l’appel le troisième larron : le vendeur des archives manuscrites d’Hautpoul. Dans la présentation de la vente, l’expert a choisi d’exposer les manuscrits anciens en introduction (cf. catalogue Lafon de mai et octobre 2009). Puis il commente le fonds des deux bibliothèques. Recto Liber Tobiae - Catlogue 29.05.09 Rien ne filtre au sujet de nos précieux manuscrits médiévaux. Le plan de la présentation est ainsi fait qu’on ne peut pas concevoir un mélange des collections. Par conséquent, les archives d’Hautpoul appartiennent à un troisième vendeur : le propriétaire du Liber Tobiae vendu aux enchères lors de la première enchère du mois de mai chez Drouot (ci-contre). La déduction est simple à faire.

Alors, à moins que les documents n’aient été communiqués, ce qui semble peu probable, à l’une ou à l’autre des bibliothèques dans les années 50 par un vecteur X, le vendeur des documents d’Hautpoul demeure une énigme.

Nous devons réfléchir à toutes les possibilités pour en avoir une meilleure idée. La liasse a été consultée par un ecclésiastique, toujours vivant au début XXe siècle (hypothèse l’abbé Saunière). Quatre types de « messageries » ont pu être utilisés afin de la faire arriver jusqu’à nous. La liasse appartenait soit :

1- Au prêtre du début du XXe siècle qui, après l’avoir découverte dans un coffre d’Hautpoul, aurait fait un legs ordinaire à ses héritiers.

2- Au même individu. Les documents auraient été récupérés par une filière ou des « acteurs » connaissant l’histoire de RLC... suivez mon regard !

3- Aux héritiers de la famille d’Hautpoul, qui de toute façon connaissaient aussi cette affaire.

4- Aux mêmes héritiers. Ceux-ci auraient au fil du temps cédé leurs documents à des collectionneurs ou autres individus, tels ceux mentionnés au point n°2.

Procédons par élimination. Les actes contenus dans la chemise datant de 1593 à 1830, il est impossible qu’ils fassent partie des documents découverts dans l’église par l’abbé Saunière vers 1890. C’était l’une de nos hypothèses émises dans notre précédent article. Ou, dans le cas contraire, la chemise aurait été cachée après 1830, soit dans le tombeau de seigneurs de « Redde », dans le tombeau de la dame de Blanchefort, image symbolique d’un coffre d’Hautpoul, ou encore dans l’église même. Ceci est peu crédible puisque les documents les plus récents (actes de 1830) n’apportent rien à l’énigme. Il n’y avait aucun intérêt à les dissimuler contrairement à d’autres : les plus anciens. La recommandation de J.-B. Siau d’Espéraza, autre notaire dépositaire des Hautpoul-Rennes, évoquant les trop grandes conséquences à se séparer de certaines pièces, n’était pas vaine. Nous le verrons bientôt. Les affaires des notaires Siau, d’Espéraza et Couiza, sont étroitement liées.

Quelques années avant la Révolution, Elisabeth d’Hautpoul est héritière des clés du coffre de famille. Le sénéchal de Limoux lui avait confié la garde des titres familiaux. Elle fait ouvrir le coffre afin d’établir un inventaire[2], mais refuse de communiquer les actes originaux. Des copies authentiquées[3] seulement seront établies aux divers demandeurs. Aucun original ne sortira jamais de chez le notaire. Jusqu’à sa mort en 1820, tous les titres de ses ancêtres, d’Hautpoul-Rennes, restent sa propriété.

Qui sont donc ses héritiers et qu’entend-on par cette dénomination dans ce cas ? Car, Elisabeth, sans descendance, s’est vu dépouiller de tous ses biens par divers créanciers. Notamment une certaine Julie Avignon[4]. Elle avait acquis les terres et le château ancestral des Hautpoul à Rennes-le-Château par adjudication. Grevée par les hypothèques et les dispositions testamentaires de ses ancêtres, Elisabeth meurt ruinée et nous ignorons à qui échurent les papiers de famille.

Extrait du contrat de mariage entre Alexandre d'Hautpoul-Felines et Angélique Lenoir.
Actes complets en ligne

La seule piste viable passerait par les enfants de sa sœur aînée, Marie, héritiers au premier degré, dont le fils Jean-Marie-Alexandre épousa Angélique Le Noir, branche des Hautpoul-Félines qui s’alliera plus tard aux Fleury de Blanchefort. Nous avons déjà épluché un grand nombre d’archives des Hautpoul-Félines et Lenoir. Aucun de leurs papiers ne révèlent quoi que ce soit. Par contre, de possibles connivences avec des orfèvres et fondeurs d’or ont été mises en évidence[5].

Dans la présente vente, plusieurs noms cités montrent que les documents sont restés longtemps dans le giron familial. Outre le Hautpoul-Rennes, il y a les Montesquieu, les la Rochefoucault, les Fleury-Blanchefort, les Hautpoul-Seyre. Malgré cela, les archives, aujourd’hui, ne peuvent émaner d’un descendant d’Hautpoul, quelle que soit la branche. Il y a trop de manuscrits disparates parmi les 20 lots (plus les 7 lots de la première vente) inscrits au catalogue provenant du même fonds non identifié. On voit mal comment le commentaire ancien, reflétant tant de détails de l’affaire Saunière, aurait pu atterrir dans ce magma explosif incontrôlable.

Tout en sachant que les actes importants ont été consultés par un ecclésiastique vivant au début du XXe siècle, les commentant à dessein, on peut en déduire que ce fonds d’archives a été constitué par un collectionneur féru de vieux manuscrits notariés et religieux, voire même un juriste, un érudit ou un historien. Le médecin traitant de B. Saunière et H. Boudet, le Dr Paul Courrent, président de la SESA, pourrait être un bon candidat et un maillon de la chaîne de transmission. Pour suivre, une équipe de chercheurs patentés, « rennistes » des années 50, n’est pas à écarter pour autant.

Le fonds de livres anciens & modernes mis en vente en mai dernier est en effet très orienté. Sans réponse de l’expert à ce sujet, nous sommes contraints d’associer les livres du XIXe siècle au fonds du troisième vendeur. On y trouve de la franc-maçonnerie et sociétés secrètes (507 volumes), de l’Atlantide, des civilisations anciennes, du « Templarisme ». Quelques manuscrits sur des villes de Normandie (Yvetot, Pont-de-l’Arche, Le Havre, Coutances, Dieppe etc..) montreraient le visage normand et trilingue (français, anglais, allemand), ou la passion pour la Normandie, de notre Collecteur Inconnu. Certes, les manuscrits concernent d’autres sites français mais la Normandie est la région dominante et joue un rôle important dans notre affaire.

 

Partie de la liasse vendue - 16.10.2009
Partie de la liasse vendue - 16.10.2009 (Photo Drouot *)

Les actes notariés

 

Le catalogue nous a été communiqué dès le 25 septembre. Après avoir pris rendez-vous, nous sommes allés consulter les six documents chez l’expert le 29. Il nous a été toutefois impossible de prendre des photos avant la vente.

Pour les raisons de l’enquête et afin de ne pas perturber les enchères, nous avons pris un peu de recul. Quelques jours de réflexion n’étaient pas du luxe avant de diffuser[6] le résultat de nos recherches. Rien ne sert de courir, comme dit le vieux proverbe de La Fontaine. Ce que nous y avons découvert (ci-contre), sur quelques sites interdits de Bugarach et Sougraigne, et que chacun des lecteurs pourra lire dans le catalogue Lafon, nous pousse à prendre certaines précautions...


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Th. Garnier

En collaboration avec J.-Luc Nozière


Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 

© 29 septembre 2009 - M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Lire la suite de la 3e partie dans les Dossiers Inédits du Mercure de Gaillon.

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[1] Journal de la comtesse de Sansay, intérieur d’un château normand au XVIe siècle, par Hector de la Ferrière Percy, 1859, p.86.

[2] Rennes et ses derniers seigneurs, par R. Descadeillas, 1962, p.74.

[3]  Terme ancien pour authentifiées (n.d.l.r)

[4] Op.cit. p.220

[5] Cf. Mercure de Gaillon n°6.

[6] Enveloppe solo avec le cachet de la Poste faisant foi.