Généalogie des rois mérovingiens,
du vrai et du faux
(partie IV)

B - Manuscrits ou généalogies mérovingiennes de l’abbé Pichon



Part I - Le dossier Rennes-le-Château, du vrai et du faux - premier bilan
Part II - Les 7 clés du Serpent Rouge
Part III - Généalogie des rois mérovingiens, Les tablettes du lignage royal (A)


On se souviendra peut-être de cet étrange abbé surgi au gré des documents du Prieuré de Sion. Quel est ce curieux ecclésiastique dénommé Pichon ? Voilà un personnage sur lequel il y a matière à disserter. L’abbé Pichon ou, plutôt devrait-on dire l’abbé François Dron.
Nous nous empressons de préciser que nous n’avons rien découvert dans cet état-civil puisque Ph. de Chérisey l’appelait déjà par son « soi-disant » vrai nom dans divers écrits. Rien de bien spectaculaire donc. L’étude du personnage révèle diverses facettes du plan méthodiquement monté par le Prieuré de Sion de 1956. Mais est-ce aussi simple ?

 

Un cas pour deux

 

Dans son opuscule l’Enigme de Rennes[1], Ph. de Chérisey, conversant avec le fameux Henri de Lenoncourt, alias Henri Lobineau, alias Léo schidlof, nous donne tout un tas d’explications, aussi contradictoires les unes que les autres, sur notre affaire, en commençant bien entendu par sa prétendue fabrication des parchemins. C’est en lisant cette quinzaine de pages que l’on se rend compte à quel point le marquis manipule le vrai et le faux avec une aisance déconcertante et dont l’objectif unique est de brouiller les pistes.

Voyez Léo schidlof (1886 - 1966) que Ph. de Chérisey associe parfaitement à l’expert en miniatures et médailles. Il est l’auteur bien réel du Catalogue des miniatures du XVIIIe au XIXe siècle publié en 1924, mais il n’a aucun lien avec Henri de Lenoncourt. Dans les années 20/30, il est connu sur la place de Paris. C’est un galeriste renommé établi au 61 avenue Victor-Emmanuel III (devenu en 1945 av. F. D. Roosevelt), expert à l’Hôtel Drouot[2]. L’histoire n’étant pas exempte de pied de nez, cette adresse abrite aujourd’hui un courtier en or portant l’enseigne « Mister Gold ».. Nous ne sommes pourtant pas dans un conte de fée à la « Once Upon a Time ».

A nous de démêler cet écheveau solidement noué. En prenant le cas de l’abbé Pichon, soi-disant François Dron, il faudra se rendre à l’évidence que nous avons affaire à deux personnages bien distincts et ne vivant pas à la même époque.

Les mots sortant de la bouche d’Henri de Lenoncourt semblent assurés quand il dit : « la marquise d'hautpoul de blanchefort, châtelaine de Rennes, a permis à hugues d’ hozier  de serigny de prendre copie en 1781 de ces parchemins dont elle était la légataire, comme du testament de hautpoul Jusqu' à la Révolution la copie d'hozier demeure secret d’État. Un numismate, dit abbé pichon, ci-devant chanoine francois dron trouve l'acte d' hozier et en fait part à l'abbé sieyes, on le complète par une généalogie de 1600 à 1790 et on le fait relier de cuir rouge. Au temps du Directoire, le vicomte de barras s'empare du document (dit livre rouge de barras) et se rendant compte qu'il tient entre ses mains une bombe, le dépose dans le tiroir secret de la basilique Sainte clotilde de Paris. »

Nous avons confirmation de cette double dénomination dans l’opuscule L’Or de Rennes et un Napoléon[3]  : « Pichon, de son vrai nom François Dron, fut un remarquable généalogiste, il possédait même une riche collection de monnaies, dont deux pièces en or de Sigebert IX, portant mention du Pagus Redensis, lieu où se trouve le coffre-fort des mérovingiens ».

La fable est bien tournée mais hélas rien n’est vrai à part le nom des personnages cités. Ce faisant, on remarquera l’autorisation de la marquise d’Hautpoul, Elisabeth, fille de marie de Nègri d’Ables, prétendument donnée au généalogiste d’Hozier pour copier quelque parchemin. En 1781, Elisabeth avait été si réticente quant à l’ouverture de ses archives familiales au syndic de Bugarach, voire pour sa propre famille, qu’on se demande par quel tour de force d’Hozier aurait réussi à la convaincre. Nous avons le témoignage des batailles d’experts dans le dossier du Liber Tobiae[4].

Le comte de Lenoncourt poursuit, en prétendant que l’abbé Pichon et François Dron sont une seule et même personne. Nous apporterons la preuve qu’il s’agit en réalité de deux hommes différents.

 

L’abbé François Dron

 

Epitaphe de l'abbé Nicaise dédiée à Nicolas Poussin

Etablissons pour commencer ce qui est vrai dans ce fatras. François Dron était bien chanoine à St Thomas du Louvre et un numismate réputé. Par contre, il n’a aucune recherche généalogique à son actif.

On voit par des lettres manuscrites de François Dron, dont la plus grande partie est adressée à M. Thoynard, que cet habile homme était consulté par les plus grands antiquaires de son temps. Presque toutes les lettres de l’abbé Dron, lui-même antiquaire, ne sont que des espèces de consultations raisonnées qu'il fait à ce savant[5]. Les plus grands érudits s’émerveillaient devant son cabinet de médailles de moyen bronze, dont la suite était des plus étendues que l'on ait pu voir, et dont le choix était admirable. La quantité et la diversité des revers singuliers était remarquable et il était, parait-il, bien difficile de rien voir ailleurs de mieux conservé et de plus entier. Il avait aussi quelques tableaux, mais rien au point de vue généalogique[6].

L’abbé Goujet, autre savant antiquaire, possédait le manuscrit en deux volumes des lettres écrites par l’abbé Dron[7]. Cela ne concerne que des médailles depuis 1687 jusqu’à la fin de mai 1690.  Ce manuscrit n’a rien de commun avec le supposé « livre rouge de Barras ».

François Dron est mort en juillet 1706. On lui avait proposé la direction du Cabinet des Médailles. Il déclina l’offre. Il avait bien connu l’abbé Claude Nicaise que nous avons rencontré au détour d’une assemblée R+C tenue à Gaillon en 1696. Et curieusement ce même abbé Nicaise fut aussi un ami personnel de Nicolas Poussin[8]. Des lettres en témoignent. Il est l’auteur d’une épitaphe post mortem dédiée au peintre.

 

L’abbé Pichon

 

Thomas Jean Pichon naquit en 1731 au Mans. Il y fit ses études et montra, dès sa jeunesse, une vocation pour le sacerdoce. Reçu prêtre et docteur en théologie, il s’attacha à Mgr d’Avrincourt, évêque de Perpignan. Sous sa protection, il fut nommé chanoine et chantre de la Sainte Chapelle du Mans. En 1745 il était chez les jésuites. Il fut nommé historiographe de Monsieur, frère du roi.

A la Révolution, on lui proposa l’évêché constitutionnel du Mans. Il refusa ce poste. Il fut administrateur de l’hôpital de cette ville où sa probité et sa charité furent remarquables. Il meurt le 18 novembre 1812.

Le Sacre et couronnement de Louis XVI,
dans l'église de Reims
Par l'abbé Pichon

Il est l’auteur de quelques ouvrages de philosophie, de religion et de généalogie :

- La Raison triomphante des nouveautés, ou Essai sur les mœurs et l'incrédulité. Paris, 1756, in-12.

- Traité historique et critique de la nature de Dieu. Paris, 1758, in-12.

- Cartel aux philosophes à quatre pattes, ou l’immatérialisme opposé au matérialisme. Bruxelles, 1765, in-8°.

- Mémoire sur les abus du célibat dans l'ordre politique. Amsterdam, 1763, in-8°.

- La Physique de l'histoire, ou considérations générales sur les principes élémentaires du tempérament et du caractère naturel des peuples. La Haye et Paris, 1765, in-12.

- Les Droits respectifs de l'Etat et de l'Eglise rappelés à leurs principes. Paris, 1766, in-12.

- Mémoire sur les abus dans les mariages, et sur le moyen possible de les prévenir. Amsterdam et Paris, 1766, in-12.

- Des études théologiques, ou recherches sur les abus qui s'opposent aux progrès de la théologie dans les écoles publiques et sur les moyens possibles de les réformer en France. Par un docteur manceau. Avignon et Paris, 1767, in-12.

- Principes de la religion et de la morale, extraits des ouvrages de Jacques Saurin, ministre du Saint Évangile. Amsterdam et Paris, 1768, 2 vol. in-12.

- Les arguments de la raison, en faveur de la religion et du sacerdoce, ou examen de l'Homme de M. Helvétius. Londres (Paris), 1776, in-12.

- Observations sur une fontaine singulière de l'Anjou (impr. dans la Bibliothèque du Nord, de Rossel, Paris, 1778.

- Avis fraternel aux prêtres catholiques du département de la Sarthe, sur les avantages et les inconvénients de la célébration du culte religieux dans des temples publics ou dans des maisons particulières, et sur les moyens faciles de rétablir promptement dans leur église la paix générale des consciences et l'exacte conformité des sentiments orthodoxes. Le Mans, an VIII, in-8°.

- Observations sur un paragraphe de l'Annuaire du département de la Sarthe, pour l'an VIII, imprimé dans l'Annuaire 1810. Ces observations sont relatives à l'origine d'Allonnes aux objets d'antiquités qu'on y a découverts.

Comme éditeur, on attribue, à l'abbé Pichon :

- La France agricole et marchande. Paris, 1768, in-8°. C’est une réimpression de l'ouvrage édité à Avignon (Paris), en 1762, 2 vol. in-8°, par Guyon de la Plombanie.

De ses recherches généalogiques il a publié deux documents :

1° - Extrait de la Généalogie de la famille Le Vayer, imprimé dans le supplément aux Affiches du Mans, du 8 mars 17S-i in-4°.avec un plan de l’arbre généalogique.

2° - Le Sacre et couronnement de Louis XVI, dans l'église de Reims, ouvrage relatant la lignée des rois de France sur lequel nous allons nous arrêter.



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Mercure de Gaillon N°12

 

 

Th. Garnier


Mis à jour le 10.09.2015

 

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[1] Cote BnF : EL4Z-piece111

[2] Le Figaro, 25 mai 1939.

[3] Cote BnF : 4LB44-2360, par Ph. de Chérisey, alias Sulpice de Bourges.

[4] Cf. Mercure de Gaillon N°7.

[5] Le Grand dictionnaire historique de Morèri T.10, 1759

[6] Le livre commode, G. Brice 3e édit., t. II, p. 86

[7] Magasin encyclopédique, A.-L. Millin, vol.5, 1803, p.206

[8] Bulletin de la Société Poussin, juin 1947, p.40