Le Hiéron du Val d’Or :
Montage d’une notice à l’usage du Prieuré de Sion

Anatomie et autopsie d’un mythe (partie V)


Partie I - L'antique Prieuré de Sion, anatomie et autopsie d'un mythe
Partie II - Voyage au pays des Mères, des premiers comtes de Madrie aux premiers comtes du Razès.
Partie III - Gisors et ses premiers seigneurs
Partie IV - Généalogie des seigneurs de Saint-Clair et le secret du manuscrit d'A. Dorival



Faux document. Extrait des Dossiers Secrets Lobineau. Cliquez sur l'image pour voir le montage en détail.(*)

La grande richesse de l’affaire de Rennes-le-Château n’est pas tant la recherche d’un pseudo trésor, d’ordre purement matériel, mais plutôt la quête d’une Connaissance au travers de tous les documents laissés par nos curés : B. Saunière, H. Boudet et consort.  Même P. Plantard et Ph. de Chérisey, par le Prieuré de Sion de 1956, avec toute la malice qu’ils reflètent dans leur miroir aux alouettes, ont transmis un fond de vérité. 

Nous avons déjà étudié beaucoup de pièces peu conventionnelles parmi lesquelles le Codex Bezae, le Bréviaire Romain, des archives d’Hautpoul quasi inédites, la bibliothèque et la correspondance de Saunière etc. Nous avons ainsi tenté d’établir le schéma d’une énigme authentique en partant sur des pistes que peu de chercheurs, voire aucun, ont exploré car ils n’avaient pas les informations adéquates. Ou, s’ils les avaient, ils les ont exploitées à demi ou plutôt au quart. Ainsi en est il pour l’hymne d’Odon de Cluny dédiée à Marie Madeleine (Bréviaire Romain), 186 / XAP et autres détails fracassants du Codex Bezae, les relations de Saunière avec la famille Stüblein et l’abbé Boudet (Carnet de correspondances). J’en passe et des meilleurs.

 

Les Dossiers Secrets d’Henri Lobineau

 

Pour poursuivre cette enquête il faut parfois savoir revenir sur nos pas. Non pas pour renier nos précédentes affirmations mais toujours dans le but d’avancer afin de ne pas perdre pied et se noyer dans des conjectures erronées, sans fondement et éviter toute manipulation.

Dans la présente étude nous allons donc retourner, si toutefois nous nous en étions éloignés, aux « fondamentaux » de l’histoire de Rennes-le-Château.

Le dossier Lobineau, pièce structurelle du Prieuré de Sion, est à lui seul un gisement de documents apocryphes à fouiller avec minutie afin d’extirper de leur gangue les quelques perles pouvant encore s’y trouver.

Parmi les précédentes publications, vous avez pu lire la véritable histoire du château de Barbarie. Les généalogies des familles de Saint-Clair, de Gisors et des comtes du Razès ont été remises en ordre. Autant dire que le montage du Prieuré de 1956 a fait long feu.

Aujourd’hui, nous vous proposons de décortiquer un morceau d’anthologie : le feuillet titré « Le Hiéron du Val d’Or » daté des 5 février et 26 juin 1926, dont la source du texte n’a jamais réellement été déterminée avec exactitude. Or, comme tout se sait un jour ou l’autre, nous pouvons affirmer avec certitude que le texte imprimé dans le dossier Lobineau provient du livre de Paul Le Cour « l’Ere du Verseau »[1]. L’idée était connue... comme tout fait marquant l’histoire de Rennes-le-Château. Cependant, personne encore n’a développé le montage fumeux du Prieuré.

La première édition de l’Ere du Verseau date de 1937. Beaucoup de chercheurs, notamment des anglais[2], ont exposé leur théorie autour de cette édition. Il s’en sont contentés pour faire de P. Plantard un simple mythomane. A vouloir faire du « scoop » à la volée, ils ont bâclé leur enquête et parlent de l’édition de 1937 sans l’avoir lue. Nous le disons à juste titre, vous le verrez plus loin.

Plusieurs éditions revues et augmentées ont suivi en 1942, 1949, 1962, 1971 et quelques autres jusqu’à maintenant. Afin d’avoir une idée précise du montage, il faut connaître l’édition utilisée par notre duo de choc pour créer le feuillet suspect.

 

Ed. 1937
Ed. 1962

Le Texte :

 

Nous nous sommes procuré l’édition originale de 1937 et celle de 1962. Nous les avons comparées : un vrai travail de philologie. Il fallait les disséquer dans le détail pour découvrir quel mirifique puzzle P. Plantard et Ph. de Chérisey se sont ingéniés à inventer et finalement retrouver la bonne édition.

Sans aucun doute possible, nous pouvons affirmer qu’il s’agit de l’édition de 1962. Pas moins de dix pages prises de part et d’autre du livre de Paul Le Cour leur ont servi. Il s’agit des pages : 108, 133, 157, 164, 165, 166, 170, 171, 173 et 178. Aux pages 170 et 171, les notes de bas de page sont reproduites à l’identique. En voici le détail :

L’iconographie :

 

L’image du poulpe - À la page 133 nous retrouvons le dessin du Poulpe, signature iconographique accaparée par P. Plantard et colportée par les chercheurs anglo-saxons en pensant qu’il s’agissait de l’édition de 1937 (p.135). Le croquis qu’ils exhibent provient de l’édition de 1962. Si les textes ont été pompés dans l’édition de 1962, les faussaires du Prieuré ont fait de même avec l’iconographie.

Le poulpe, L'Ere du Verseau
ed. 1962
Le poulpe, L'Ere du Verseau
ed. 1937

Son image n’est pas à mettre dans la catégorie des faux. C’est un symbole reconnu, fort ancien[3]. Il est le symbole sacré de l’action fécondant l’Océan chez les Grecs, les Scandinaves ou les Hyperboréens par exemple. Un glyphe du désert de Nasca pourrait aussi se rapprocher de l’image du céphalopode. C’est celui que l’on nomme l’araignée, comme le font quelques chercheurs pour le poulpe de Rennes-le-Château (cf. dalle de la marquise). Nous l’apercevons d’une manière fugitive et stylisée sur la page de titre du livre de Labouisse-Rochefort « Voyage à Rennes-les-Bains » en 1832. Ce sont des motifs qui n’ont pas échappé au Prieuré de Sion de 1956.

                   Le poulpe, L'Ere du Verseau
                               ed. 1962
Le poulpe, L'Ere du Verseau
ed. 1937

(fig.e)
Le poulpe, dans le Mercure de France et Atlantis
Poulpe ou araignée de Nasca

Sacré-Coeur, L'Ere du Verseau
ed. 1962
Sacré-Coeur, L'Ere du Verseau
ed. 1937
Extrait du Magasin Pittoresque
1884
Extrait de la revue Atlantis
N°19 - 1929

Paul Le Cour était un fervent défenseur du symbolisme du poulpe. En 1927 il en fit une communication, publiée dans le Mercure de France[4] (fig. a, b, c, d, e). Il l’évoquait encore dans le n°19 de sa revue Atlantis de 1929 : numéro consacré, comme par hasard, au Hiéron du Val d’Or.

L’amulette égyptienne (du musée de Rennes) - Elle a été également empruntée à la page 165 du même ouvrage de P. Le Cour, édition de 1962. Quand on compare sa mise en page et celle du document émis par le Prieuré de Sion, sur deux colonnes, on constate que la méthode employée est la photocopie réduite de moitié. Les photocopieuses étaient accessibles en 1965. La méthode n’a pas été utilisée pour « Pierres Gravées du Languedoc ». C’est pourquoi nous sommes certains que le Prieuré de Sion ne pouvait être l’auteur de la plaquette de Stüblein

Il existe une autre amulette du même style parue dans la revue Atlantis n°19 de 1926. Celle-ci serait au musée Borelly de Marseille.

Amulette, L'Ere de Verseau, éd. 1962
Amulette, L'Ere de Verseau, éd. 1937
Amulette, Atlantis n°19 1929

 

Pour fabriquer son faux document vers 1965, le Prieuré de Sion de 1956 a donc utilisé la plus récente édition qu’il avait à portée de mains, la plus complète, soit celle de 1962. Le texte est le même dans toutes les éditions, seule la pagination diverge. Les mises à jour des différentes éditions n’ont que peu de poids car les faussaires ont pris soin de choisir des passages achroniques (c’est-à-dire ne tenant pas compte du temps).

Quant à la mise en page, elle a été empruntée très certainement à la revue « le Magasin Pittoresque » pour égarer le chercheur un peu trop curieux. On peut se tourner également vers la revue Atlantis qui a une pagination similaire. Ici, on a le choix des publications.

On reconnaît dans ce montage le système adopté pour confectionner l’opuscule « un Trésor mérovingien à Rennes-le-Château » d’A l’Ermite. Le matériel littéraire provient du livre de R. Charroux « Trésors du Monde »[5].

Tous les documents du Prieuré à l’usage des auteurs depuis des décennies sont truqués. Cela, tout le monde le sait. Malgré tout, dans le cadre du Hiéron du Val d’Or, c’est tout à fait particulier. Trois éléments nous aideront à prouver que la société discrète joua un rôle déterminant dans la vie de l’abbé Saunière. Il s’agit de sa pensée idéologique, des travaux réalisés dans son domaine et de ses carnets de correspondances que nous étudions depuis 2005.

 

Lire la suite... dans les Dossiers Inédits du Mercure de Gaillon



Th. Garnier


Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 

© 29 novembre 2009 - M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.




[1] L’Ere du Verseau, de P. Le Cour, éd. l’Omnium Littéraire, 1962.

[2]  Page de P. Smith. Le croquis du poulpe présenté par les anglais provient de l’édition de 1962 et non de 1937. Smith prétend en outre être l’inventeur, sans datation, de l’œuvre d’Odon de Cluny avant Le Mercure de Gaillon. Propos fallacieux notifiés sur son site, puisque ayant fait une recherche approfondie sur le réseau avant de produire notre découverte, nous avons pu constater qu’aucun webmestre RLCéen français ou étranger ne  faisait le parallèle entre le bas-relief de Marie-Madeleine et l’œuvre d’Odon de Cluny avant nous. Communication faite à Franck Marie sous pli scellé et affranchi le 22.11.07. Diffusé à la radio IdFM le 03.07.08. Article Internet du 04.07.08 sur le site du Mercure de Gaillon. Publié dans le bulletin n°3 de Terre de Rhedae de 2009.

[3] Les Cassitérides de l’empire colonial des Phéniciens, Louis Siret, 1901, p.149 et 168.

[4] Le Mercure de France, voir fichier dans le FANUMM II

[5] Trésors du Monde, Robert Charroux, éd Julliard, 1962.