L'antique Prieuré de Sion,
Anatomie et autopsie d’un mythe (partie 1)




Partie II - Voyage au pays des Mères, des premiers comtes de Madrie aux premiers comtes du Razès.
Partie III - Gisors et ses premiers seigneurs
Partie IV - Généalogie des seigneurs de Saint-Clair et le secret du manuscrit d'A. Dorival
Partie V - Le Hiéron du Val d’Or, montage d’une notice à l’usage du Prieuré de Sion

 

Supercheries médiatiques

 

L’histoire récente nous confirme qu’il ne faut plus se fier aux seules affirmations d’un Pierre Plantard[1] ou d’un Philippe de Cherisey, marquis et comédien de son état. Il est indispensable d'être des plus rigoureux quand on touche la corde sensible du Prieuré de Sion. Le sujet est plus brûlant que sulfureux.

Les auteurs du Message[2] disaient avec justesse : «Nous sommes confrontés à une organisation d’une extraordinaire sophistication psychologique». En effet, l’Ordre n'apparaît sérieusement dans aucun ouvrage à valeur historique. On nous rétorquera qu’une société secrète par définition, en tant que telle, doit rester dans l’ombre de l’Histoire.

Mais notre Histoire, bien que stéréotypée, filtrée, pré-formatée, laisse parfois échapper quelques couleuvres, sujet reptilien s’il en est,  des mailles de son filet venimeux. Il en va tout autrement dans les domaines de l'extravagance ésotérique où le Prieuré jouit très largement du porte-monnaie d’un auditoire crédule, aidé en cela par les médias. Plus que de rechercher la vérité, ces derniers préfèrent « naturellement » battre en brèche en diffusant des reportages bidonnés sur le 11 septembre 2001 et tirer ainsi à boulet rouge, par la bande, sur les chercheurs osant s’approcher de la vérité.

Il existe malheureusement une frange de journalistes qui fait honte à cette profession honorable. Ainsi, l’aurez-vous observé le samedi 3 mars 2007, sur la une, où je fus personnellement pris à partie. Quand ce n’est pas la presse régionale, c’est le réseau hertzien national qui prend le relais. Bien entendu, dans ce cas, le lecteur et le téléspectateur n’auront toujours qu’un seul son de cloches… et de quelles cloches ! Car il ne suffit pas qu’une bande d’hypocrites journaleux prétendent vouloir faire un reportage sérieux pour approcher sournoisement un intervenant lambda, faut-il encore qu’ils en assument les conséquences quand leur interview dérape à l’insu de cet intervenant vers des montages grossiers et la manipulation des propos tenus dans la plus traditionnelle des « Chacals Productions ». 

Force est de constater que nous vivons dans un monde où le mensonge est érigé comme une loi, vérité intemporelle, dans la sphère médiatique et particulièrement à la télévision, outil de quelque scribouillard patenté, sans honneur, en perte de vitesse.  Pour en avoir côtoyés, je connais bien maintenant ce genre de pleutre qui fait de la trahison une passion inhérente à son travail ; journaleux de bas étage se cachant derrière sa gomme et son crayon quand il n’a pas de caméra comme arme de destruction massive. Et d’organiser la réplique dans un infâme « bouigorama », cirque télévisuel abject, mis en scène par un Monsieur Loyal hystérique et son acolyte grotesque, deux augustes poltrons démagos maîtres d’œuvres de la farce, afin de satisfaire leur ego, l’audimat et leurs « dames patronnesses » initiées de vol, pourvu qu’elles aient une équerre sous le manteau et le compas dans l’œil ! Quoique ce ne soit pas gagné dans ce cas précis, même quand on œuvre dans une « maison » de maçons ! A bon entendeur... Cela va de soi.

Mais laissons là ces vaines tentatives de manipulation mentale de sycophantes et maintenons le cap. Le mythe du Prieuré de Sion tombe en morceaux avec fracas. Fallait-il encore le préciser ? Efforçons-nous donc d’en comprendre le mécanisme et de poursuivre le démantèlement de la farce pièce par pièce car chacun des documents émanant du pseudo Ordre a une histoire bien réelle et mérite une attention particulière.

Nous avons déjà passé à la loupe les deux parchemins de Boudet et Saunière, les brochures attribuées faussement à Eugène Stüblein et à Antoine L’Ermite. Nous avons vu l’implication de Nicolas Poussin et de son tableau des Bergers d’Arcadie attirant les origines de son secret dans l’ancien archevêché rouennais. Nous connaissons maintenant la véritable généalogie de la famille de Blanchefort du Limousin n’ayant rien à voir avec celle de Blanquefort ou celle d’Hautpoul et les ruines du château de Blanchefort près de Rennes-le-Château. Nous avons mis en évidence les liens attachant la famille de Cherisey à Gisors tout en s’alliant à la famille de Fontanges. Il reste encore un grand nombre de faits, de documents et sites historiques détournés dont nous devons assainir les bases à l’exemple du château de Barbarie.

 

Du château de Barbarie

 

La légende débitée par le Prieuré de Sion, chacun la connaît. Mais peut-être est-il nécessaire de nous rafraîchir la mémoire avant de passer à la vérité historique de ce castel dont l’origine et la chute restent incertaines.

Il faut savoir étudier tous les points de vue, même les plus tordus. C’est vous dire ! En 1546, Jean des Plantards aurait épousé Marie de Saint-Clair à Gisors. Puis la famille vient se fixer près de Nevers au château de Barbarie. Un siècle passe et on ne sait trop pourquoi, en juin 1648 Mazarin aurait fait détruire le château, confisquant les biens de la famille Plantard. Les auteurs colportant cette histoire précisent toutefois qu’aucun ouvrage ne confirme cette information tirée des documents douteux du Prieuré. Etonnant non! On sait également que Mazarin obtient le duché de Nevers par contrat signé en juillet de l’année 1659, ça c’est historique. Ils ajoutent encore qu’en 1506, il existait un fief de Barbarie dans le Nivernais. En 1575, on fait allusion dans une charte à un hameau « Les Plantards », supposé non loin du château de Barbarie. Le hameau aurait appartenu à la famille du même nom. Mazarin se serait donc évertué à effacer toute trace historique de ce château de Barbarie.
Chartreuse de Bellary (Nièvre ) au XVIIème siècle
Pour accréditer ces théories Ph. de Cherisey prétendra avoir retrouvé des monnaies datant du XVIe siècle sur le site et inventera une nouvelle histoire de trésor[3] déplacé dans une abbaye voisine, la Chartreuse de Bellary[4] sur la commune de Châteauneuf-Val-de-Bargis à 45 km au nord de la place forte.

Mais la découverte la plus fameuse est sans conteste celle des vestiges d'un château exhumés en 1875. Le site était formé d'une petite ville fortifiée et d'un fort. C’est sans doute la seule part de vérité de ce tas d’affabulations. Nous n’avons en effet retrouvé aucune trace d’une famille Plantard dans la Nièvre au XVIe siècle et aucun mariage avec cette Marie de Saint-Clair, rattachant de fait cette fable à celle de Gisors. D’ailleurs toute la généalogie de famille de Gisors est erronée. Elle a été tronquée par le Prieuré de Sion. Selon Ph. de Cherisey, il aurait existé un contrat de mariage entre Jean des Plantards et Marie de Saint-Clair. Cet acte, Ph. de Cherisey est le seul à le connaître et l’initiateur des masses monétaires soi-disant retrouvées dans le sous-sol de la vieille citadelle.

Par honnêteté intellectuelle, le marquis aurait pu nous fournir toutes les sources documentaires pour vérification. Il n’en donne que deux principales, le Dictionnaire Topographique de la Nièvre[5] et Les fouilles du vieux château de Barbarie, commune de la Machine[6],

Extrait du Dictionnaire Topographique de la Nièvre
pour légitimer l’existence des possessions de la famille Plantard, comme s’il fallait se fier à sa bonne tête pour croire tout le reste. Il existait effectivement un hameau « des Plantards » dans la Nièvre sur la commune de Semelay, mais il était situé à environ 30 km du château de Barbarie (en allant vers le S-E) et a été détruit. Il existait également un fief de Barbarie, or il n’a apparemment rien de commun avec le château puisqu’il était lui aussi situé à plus de 30 km sur la commune de Chantenay (en allant vers le S-O). Remarquons au passage, que les trois sites dessinent un triangle isocèle quasiment parfait. Tous ces sites sont très distants les uns des autres et n’ont aucune liaison entre eux contrairement à ce qu’on veut nous faire avaler.


 

De l’antique Cité de Barbarie

 

Par respect de la vérité historique qui a été bafouée une fois de plus dans cette affaire, nous vous présentons quelques extraits de la notice sur les fouilles du vieux château de Barbarie publié dans le Bulletin Archéologique de 1906.

« A quelque quinze cents mètres au Nord Ouest du bourg de La Machine (Nièvre), la grande route, en pénétrant dans la forêt domaniale des Minimes, contourne la base d'une vaste croupe boisée, aux talus abrupts et régularisés, que limitent d'étroits vallons, dont l'un est encore occupé par un étang; un plateau d'une dizaine d'hectares, qui la couronne, porte les restes d'une enceinte barlongue formée par des retranchements rectilignes plus ou moins puissants et qu'on appelle la Cité de Barbarie.

Des fouilles pratiquées en 1876 par la Société Schneider du Creusot, à la demande de la Société Nivernaise des sciences et arts, n'ont mis au jour, dans ses remparts, que des moellons gréseux bruts, disposés sans ordre comme sans parements, et produit, comme découverte, que les débris d'un vase antique en terre très mal cuite, portant des bourrelets couverts d'impressions digitales; des enceintes remontant à la Gaule indépendante en ont fourni d'analogues à l'un de nous('). A quarante mètres vis à vis de la pointe Nord Ouest de cette vieille forteresse et sur le versant opposé du vallon de l'Étang Neuf, se dresse une autre enceinte bien plus réduite et d'aspect assez différent. Elle ne peut être examinée qu’après une des exploitations périodiques des taillis quasi impénétrables qui la masquent d’ordinaire. Comme elle est, du reste, éloignée de tout chemin et située dans un des endroits le plus accidentés et les plus sauvages de la grande forêt de l’état elle n'est guère connue que des gens du pays, qui l'appellent le Vieux Château ou le Trésor  et n'a été jusqu'ici l'objet d'aucune publication. Elle est assise sur la pointe orientale d'un petit contrefort incliné de l'Ouest à l'Est et vaguement rectangu­laire, à angles arrondis, mesurant 120 mètres sur 40, et est limi­tée de trois côtés par des escarpements réguliers qui baignent en grande partie dans les eaux de l'Etang‑Neuf; mais, à l'Ouest, elle se termine par une grosse butte artificielle (M), dont la base émerge d'un grand fossé coupant l'isthme. Sur les trois autres côtés, des remparts de pierres couronnent les crêtes des talus (fig. 1, AB CDDHG). 


Plan de l'enceinte du château de Barbarie

Des fouilles sommaires pratiquées dans ces reliefs nous révélèrent tout d'abord la présence de nombreux moellons gréseux qui avaient subi l'effet de températures plus ou moins élevées; ces fouilles firent trouver aussi dans le vallum, à sa base, des lignes régulières de charbon provenant de pièces de charpente, tant longitudinales que transversales, brûlées ou au moins carbonisées par décomposition de leurs tissus. Nous en avions trop hâtivement conclu que nous étions en présence de murailles du type d'Avaricum, remontant à la fin de la période d'indépendance de la Gaule et contemporaines de celles du mont Beuvray.

[...]

L'examen de la plupart de ces restes semble prouver la destruction d'un grand bâtiment par le feu, et les pièces de bois sont disposées de telle sorte qu'elles doivent provenir de l'effondrement d'un plancher et d'un comble couvert en chaume, comme l'atteste toute la paille carbonisée; du reste, si la toiture avait porté de la tuile, ou en aurait trouvé d'abondants débris, tandis qu'on n'a rencontré qu’une dizaine de morceaux de tuiles, toutes du type antique  à rebord.

[...]

On a rencontré encore dans la motte quelques pierres un peu taillées, dont un seuil en place à l’angle Nord Est; trois grosses pierres plates, au Sud Est, étaient également en place et gauchement superposées pour former comme un grossier escalier de descente dans l’hypogée. On a recueilli aussi, à une faible profondeur sous le sommet de la butte, d'autres pierres plates, dont une des faces, bien unie, présentait des séries de lignes gravées en creux et formant des dessins d'aspect quelque peu cabalistique[7]...

[...]

La pièce souterraine en pierres sèches, cimentées simplement par de la terre glaise, avec ses murailles de refend, servait de cellier, de magasin d'approvisionnement, d'usine pour la mouture et sans doute en partie aussi de prison. Quant au donjon, il subit le sort à peu près commun à tous ses pareils primitifs, édifiés en matières si combustibles, et par deux fois fut incendié; le second incendie ne doit pas être postérieur au début du XIIIe  siècle, à en juger par les épaves mobilières récoltées dans les fouilles, épaves qui, toutes, semblent antérieures à ce siècle... »


Plan de la crypte du château de Barbarie


La part des Anges

 

Dans cette brochure, il n’y a aucun renseignement susceptible de nous éclairer sur les derniers propriétaires de la citadelle de Barbarie, rien sur les auteurs des incendies. Les Plantard, les Saint-Clair et Mazarin ne sont que les fruits des fantasmes du Prieuré de Sion. Seule les Gentiles, derniers païens, au IIIe siècle sont supposés avoir trouvé refuge dans l’antique cité de Barbarie, appelée dès l’époque la Cité des Barbares par les autochtones[8]. Cela attesterait qu’une société non chrétienne ou d’hérétiques y ait prospéré jusqu’au XIIIe siècle, moitié du XIVe au plus tard : des manichéens Vaudois, Turlupins ou Boulgres. Ceux-ci apparurent en France sous le règne de Jean II le Bon. On fit courir sur eux des bruits de toute sorte, qu’ils pouvaient atteindre la perfection morale en se livrant à des actes de débauche en public. Ils furent accusés de vouloir ressusciter la secte païenne des cyniques[9]. Dans son œuvre imaginaire, La Pelleterie des Turlupins extraite de la Botte fauve incornifistibulée en la Somme Angélique, destinée à railler les écrivains de l’Eglise romaine,  Rabelais, un des chefs incontestés de la Société Angélique[10], commente un point fort du livre de saint Thomas d’Aquin « Thomae de Aquino Summa contra Gentiles, seu Maleus haereticorum »[11] où il avait écrit une diatribe frénétique contre les hérétiques de son temps. Sous l’inquisition, outre ses bûchers, nombre de massacres d’hérétiques furent provoqués dans le but d’anéantir les repaires des Vaudois et des Turlupins. La Cité de Barbarie fut peut-être du lot.

Les publications scientifiques en rapport avec l’histoire de ces ruines étant pratiquement inexistantes, il était aisé pour les membres du Prieuré d’inventer un scénario à la Monte-Cristo en le piquant d’acte de mariage factice ou de trésor sulfureux imaginaire. Associer Mazarin à la destruction du château de Barbarie était d’autant plus simple que le ministre de Louis XIV était connu pour avoir démantelé la forteresse de Neaufles, près de Gisors. Cette mascarade était une partie du plan élaboré afin d’assouvir l’ambition politique de quelques fraternités paramaçonniques anglo-saxonnes - sectateurs mérovingiens - naviguant dans les méandres Illuminatis, l’hydre internationale dont le Prieuré de Sion était une des têtes chercheuses en Europe et cela dès 1956.


Extraits de la "Normandie Souterraine" relevés par Saint-Venant et Pourssereau


Vous l’aurez donc remarqué par vous-même, le château de Barbarie n’a aucun rapport avec le Prieuré de Sion ou la famille Plantard. Cependant, une chose importante semble avoir échappé à la « farce » du turlupin. Ph. de Cherisey connaissait la plaquette produite par la Société Nivernaise. Pourquoi omet-il de parler des symboles cabalistiques gravés (voir note 7), retrouvés sur les pierres de la crypte ? Pourquoi P. Plantard, féru d’hermétisme, ne s’en fait-il pas l’écho ? Ces dernières questions viennent étayer notre raisonnement selon lequel de véritables pièces d’un Dossier Secret existent mais ont été truquées à dessein... pour égarer le public friand de mystère, tandis qu’une société secrète internationale agissait et agit toujours dans l’ombre. Alors amis lecteurs et lectrices, méfiez-vous des imita...Sions et surtout de la télévi... Zion !


A suivre...

 

© Thierry Garnier  - 21 mars 2007 - Toutes reproductions totales ou partielles interdites sans autorisation de l'auteur. www.lemercuredegaillon.fr

- Remerciements particuliers à A.M Lecordier



[1] Les Templiers sont parmi nous, Gérard de Sède, Ed Julliard – 1962.

[2] Le message, l’énigme sacrée  vol II, Baigent, Leigh, Lincoln, Ed. France Loisirs, 1988, p.190.

[3] Le trésor des Templiers, J.L Chaumeil, éd. H. Verrier, p.80 et suivantes.

[4] Abbaye fondée en 1209, par Hervé de Donzy.

[5] Georges de Soultrait, Imp. Impériale, Paris, 1865.

[6] Extrait du Bulletin Archéologique, par  M.J de Saint-Venant et M.L.M. Poussereau, Imp. Nationale, 1906.

[7] L’abbé Cochet signale dans sa « Normandie Souterraine », p.277, une fusiole hémisphérique de pierre, dont le côté plat porte, gravées, les incisions disposées en lignes droites ou brisées très analogues à celles du château de Barbarie. Il rapproche ces signes des caractères runiques coupés, tels que le représente « le nouveau traité de diplomatique des bénédictins ». Ayant consulté l’ouvrage de l’abbé Cochet nous avons relevé deux fragments d’archéologie pouvant correspondre aux indications de la brochure : une pièce de poterie et un fragment de poignard (voir photo) respectivement aux pages 177 et 277.

[8] Essai sur le système défensif des Romains, par J.G. Bulliot, Société Eduenne, Paris, 1856, p.156.

[9] Cf, Diogène le cynique.

[10] Loge d’érudits et de poètes fondée à Lyon au XVIe siècle. Cf, Rabelais, par Sir Walter Besant, éd. J.B Lippincott & Co, 1879, p.33.

[11] Agrippinae, per Henricum Quentelle, 1502, in-fol goth.