Le Codex Bezae à Lyon au IXe siècle

 

Au pays de Cybèle

 

Empire Romain d'Orient
Empire Romain d'Orient
Le tableau du Codex Bezae, précédemment dépeint, restait incomplet dans son cheminement à travers l’Histoire. Si celui-ci commence réellement dès le IIe siècle, il y a une brèche temporelle importante jusqu’à ce que le manuscrit apparaisse à Lyon au IXe siècle.

Une grande partie du matériel utilisé pour sa rédaction au Ve siècle proviendrait des textes écrits par la secte montaniste, mouvement chrétien fondé par Montanus, déclaré hérétique vers 177 ap. J.-C.

Montanus est né à Ardabau, un village de Phrygie, Turquie d’aujourd’hui. Ancien prêtre du culte de Cybèle converti au christianisme, il fut un chrétien de type charismatique.

La doctrine des montanistes était à la fois des plus progressistes et outrancièrement rigoriste. Elle laissait de la place aux femmes dans l’Ordre[1] à l’égal des hommes. Sur ce plan, Montanus se rapprochait de l’esprit des Evangiles Gnostiques découverts en 1945 dans le désert Egyptien[2] à Nag Hammadi.
TRACTATUS TRIPARTITUS
Extrait d'un des treize volumes retrouvés en Egypte
L’ordre des Fidèles d’Amour d’Occident, mouvement d’inspiration gnostique introduit en France au XIIe siècle, exaltera à nouveau vers 1176 la dignité spirituelle de la femme, sous l’influence de l’Ordre du Temple[3] et de Nicétas pape des hérétiques de Constantinople.

Condamnant quiconque contractait un second mariage, les dogmes montanismes n’interdisaient pas le mariage des prêtres[4]. Par opposition, la secte prônait un ascétisme le plus strict. Montanus propagea un christianisme nommé par ses contemporains hérésie phrygienne, hérésie cataphrygienne ou encore hérésie pépusienne.

 

La plupart des érudits avaient considéré le montanisme en bloc. Ils ne paraissaient pas se douter que la secte avait pu évoluer. Elle avait pourtant conservé des adeptes enthousiastes pendant plusieurs siècles, depuis le temps des derniers Antonins[5]  jusqu’au début du Moyen Age[6] et l’apogée de l’ordre des Fidèles d’Amour d’Occident. Fidèles d’Amour qui inspirèrent les sociétés philosophiques émergeant aux XVIe et XVIIe siècles telles que la Rose-Croix,  la Société Angélique et la dérive des Illuminés de Bavière en Europe ou en Amérique du Nord jusqu’à la pâle copie du Prieuré de Sion moderne. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette filiation. Nous l’avons déjà publiée et commentée abondamment dans Mémoires des deux Cités, tome II, en novembre 2005.

 

 

Des montagnes de Phrygie à Lyon

 

La tradition concède le mérite à saint Irénée pour avoir apporté les textes apocryphes du Codex à Lyon. Déclaré hérétique par les pères de l’Eglise chrétienne du IIIe siècle, la secte montaniste, soutenue par le saint lyonnais, avait pu subsister secrètement, dans le Saint-Empire romain d’Orient, en conservant presque tous ses écrits[7]. Mais aucun élément probant n’a jamais été mis en exergue pour conforter l’hypothèse d’un transfert à Lyon d’un quelconque manuscrit. Des auteurs se sont perdus en conjectures faisant de Montanus un auteur de livres sibyllins, voire même un magicien.

Les documents historiques montanistes, en latin, grec et syriaque, subsistants montrent combien les esprits du début du premier millénaire se passionnèrent pour le nouvel évangile de Montanus, appelé Nouvelle Prophétie, provenant non plus des montagnes de Judée mais de celles de Phrygie, prêché non par Jésus et ses apôtres mais par les partisans de la secte. Ils tombèrent vite sous le coup de l’hérésie. L’Eglise ne traita pas leurs écrits comme elle aurait pu le faire pour d’autres hérétiques. Pris sous cet angle, on peut supposer que les écrits montanistes ont servi à la composition du CODEX BEZAE au Ve ou VIe siècle. Cela signifie, de fait, que le premier manuscrit fut rédigé après le sac de Rome commis en 410 par Alaric Ier, roi des Wisigoths...

Quoi qu’il en soit, le manuscrit passa par l'atelier de calligraphie Florus qui exerçait à Lyon au IXe siècle. Quelques pages du manuscrit devaient y être réécrites. Le Codex temporairement appelé Claromontanus fut conservé dans le monastère Saint-Irénée de Lyon jusqu’au milieu du XVIe siècle. Le Martyrologue d’Adon, contenant dans le texte les traces du futur Codex Bezae, fut écrit en ce lieu. Le saint évêque de Vienne déclare lui-même avoir employé l’œuvre reproduite par Florus en 859 (ou 860).


Revue Bénédictine - janvier 1906

Nos toutes dernières découvertes documentaires confirment ces faits. Mais saint Irénée fut-il le seul intermédiaire, dépositaire d’un texte sacré... ou d’un sacré texte ? Un article, paru dans la Revue Bénédictine du 1er janvier 1906, titré le Codex Bezae à Lyon[8] apporte enfin les réponses aux nombreuses questions qui restaient en suspens. Il fallait simplement le trouver. Il comble ainsi la brèche historique s’étalant du IIe  au IXe siècle. L’auteur, Henri Quentin, situe le manuscrit dans le sud de l’Italie[9] à cette époque. Il suppose, sans toutefois en apporter une preuve formelle, qu’il aurait pu y demeurer jusqu’au XIIe siècle. Les raisons mises en avant, pour établir le fait du séjour dans cette contrée jusqu’au IXe siècle, sont liées au calendrier de liturgie et à la phonétique des annotations du codex. La délimitation chronologique proposée s’appuie principalement sur les caractères paléographiques des notes. Mais tous les commentateurs du Codex de Bèze ne sont pas d’accord sur leur datation : en 1864, Scrivener les plaçait au IXe siècle ; en 1896, Kenyon (comme Kipling en 1793) leur assignait le VII; puis finalement en 1902, Burkitt[10] proposait de les vieillir encore plus, allant vers le XIIe siècle. Les jugements sur ces points ne sont donc absolument pas définitifs.



Quelques exemples d'annotations

Folio 60 grec

Folio 66 grec

Folio 89 grec

Folio 97 grec

 

Convoyeurs Inconnus

 

En 1895, F. Vigouroux répondait lui aussi à quelques interrogations dans son dictionnaire. Il certifiait l’adjonction des césures (crochets) aux sections ammoniennes vers le IXe et des annotations grecques, en marge, beaucoup plus récentes sans en avoir une profonde conviction. Les copistes (et correcteurs) de l’atelier Florus de Lyon pourraient être les auteurs de certaines de ces indications fondamentales, à la fois corrections et signes de cryptages, si ce n’est  saint Adon.

Les différentes éditions de son martyrologue sont, d’ailleurs, assez défectueuses. Ses dérivés du Codex ont parfois été supplantés par des ajouts intempestifs. Les copistes du Moyen Age et de la Renaissance étaient souvent enclins à rendre les citations du manuscrit de Bèze conformes aux textes utilisés pour la Vulgate. Les tentatives sont restées isolées sans altérer les leçons du Codex incluses dans le martyrologue, mais on comprend mieux pourquoi le grand parchemin écrit et crypté par Henri Boudet et Bérenger Saunière contient autant de similitudes rapprochant le Codex Bezae et la Vulgate dans sa conception.

A supposer maintenant que Florus fut l’auteur des annotations, voire du martyrologue attribué à Adon, la chose n’est absolument pas impossible. Comme le souligne H. Quentin, le témoignage de Wandelbert, sur sa richesse en livres authentiques et la lettre que Florus écrivit à l’abbé Hyldrade de Novalèse, à qui il renvoie son psautier revu et corrigé, nous persuadera vite que cet homme était parfaitement préparé à ce genre de travail. Quentin nous informe également que Florus était en relation avec l’Italie. Un curieux passage de son traité Adversus Johannem Scotum prouve qu’il connaissait le texte grec du livre des Actes des apôtres[11].



Parcours du Codex Bezae primitif jusqu'à Lyon

VIe siècle

vers le VIIe siècle

entre le VIIIe et le IXe siècle vers Lyon

Après avoir été écrit et codé (lettres décalées) par delà le règne de l’empereur Anastase Ier (518 ap. J.-C.), le Codex quitta Constantinople au VIe siècle. Son voyage se poursuit à travers l’Europe du sud en passant par la Grèce où il séjourna probablement jusqu’à la fin du VIIe siècle et serait arrivé en Italie au VIIIe siècle puis enfin à Lyon. Si l’on admet, tout à la fois, que le Codex Bezae séjourna d’abord en Italie puis fut ramené à Lyon au IXe siècle, Florus aurait eu tout loisir de le faire émigrer par un de ses correspondants italiens. Dans ce cas, les annotations grecques auraient des chances d’avoir été réalisées à la fin du VIIIe siècle en Italie (ou dans les ateliers de Florus au IXe siècle). Cela pourrait expliquer pourquoi il n’y en a pas de trace dans les feuillets additionnels de l’Évangile de Jean ajoutés par la suite à partir du folio 150 (Jean 18 2 à 18 13) jusqu’au folio 156 (Jean 20 1 à 20 13).

Les scribes ne se sont même pas donné la peine de respecter le décalage des paragraphes en marge de gauche. Nous pouvons en déduire par là que certains folios, uniques, détiennent les clefs du secret. Ils n’ont pas tous de l’intérêt. Nous l’avons vérifié en appliquant le système de décryptage à des feuillets quelconques, sans résultat. Il faudra comprendre également que non seulement Florus mais aussi les autres copistes du manuscrit, et les grands convoyeurs inconnus jusqu’à Lyon, étaient dans le secret du cryptage de l’énigme du Razès dont Rennes-le-Château, Redhae (ou Redae), était une place forte Wisigothe dès le Ve siècle.


Henri Quentin, qu’on ne pourra soupçonner d’être de notre côté en 1906, affirmera dans sa conclusion : « Les leçons du Codex Bezae sont d’un particularisme extrême ». Nous ne saurions dire mieux. L’enquête se poursuit donc, sachant dorénavant que les annotations et lettres décalées des feuillets 132 (grec, ci-dessus à gauche) et 186 (latin, ci-dessus à droite), sources épistolaires du grand et du petit parchemin de Bérenger Saunière, n’ont pu être retranscrites au delà du IXe siècle quel que soit le lieu du dépôt du manuscrit, en France ou en Italie.



Pièces justificatives, bibliographie et notes


Documents du dossier

Lire le dossier complet en ligne:


- Le Codex Bezae, de son implica...Sion dans l'affaire de Rennes-le-Château, 1ère partie.
- Le Codex Bezae, de son implica...Sion dans l'affaire de Rennes-le-Château, 2ème partie.
- Le Codex Bezae, de son implica...Sion dans l'affaire de Rennes-le-Château, 3ème partie.
- Les vrais parchemins de B. Saunières et H. Boudet.
- Les manuscrits hérétiques du Codex Bezae.
- Les Sortes Sactorum du Codex Bezae et le Carré ROTAS.
- PIECES JUSTIFICATIVES pour servir l'histoire des authentiques parchemins de B. Saunière et H. Boudet.
- Le Codex Bezae ou les secrets de Dieu oubliés.
- La Clef de Sion du dernier Nautonier

livre en librairie:
Arcana Codex, Livre II: Du DA VINCI CODE au CODEX BEZAE, par Thierry Garnier, collection VERITES SECRETES n°5, M2G éditions, 2006, 174 pages.

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Pour tout savoir sur le decryptage du CODEX BEZAE.

Arcana Codex Livre II
© Thierry Garnier - 06 juin 2006 - M2G éditions. Tous droits réservés, reproduction interdite.

 

- Remerciements particuliers à A.M Lecordier.



Liens:
- En savoir plus sur les Evangiles Gnostiques.

livre en librairie:
Arcana Codex, Livre II: Du DA VINCI CODE au CODEX BEZAE, par Thierry Garnier, collection VERITES SECRETES n°5, M2G éditions, 2006, 174 pages.


[1] Trevett, Montanism, Oxford 1996.

[2] Les Évangiles gnostiques ont été écrits en langage copte sur des papyrus aux alentours du IIe siècle.

[3] Mémoires des deux cités, TII, Th. Garnier, Ed. M2G, 2005, p.264.

[4] Revue des questions historiques, 1902, p.81.

[5] Cf. Empereurs romains.

[6] Journal des savants, Paul Monceaux, p.509, 1915; article critique sur « la crise montaniste » de P. de Labriolle, Paris Ernest Leroux, 1913.

[7] Revue d’histoire et de littérature religieuse, 1915, p.494.

[8] Revue Bénédictine du 1er janvier 1906, H. Quentin, XXIIIe année, abbaye de Maredsous, Belgique. Site internet : http://www.maredsous.be/

[9] L’origine Italienne du Codex Bezae, F.E Brightman et K. Lake, Journal de théologie, avril 1900, p.441.

[10] The Date of Codex Bezae, F.C. Burkitt, Journal de théologie, III, juillet 1902, p.501-513.

[11] Op. cit. H. Quentin, p.23.