Les Pontils, un Tombeau en Arcadie

Pierres et écrits de réemploi

 

Julien Sacaze

Nos plus récents travaux révèlent que le livret  Pierres gravées du Languedoc  fut réalisé entre 1903 et 1905 sous la férule de Bérenger Saunière, aidé en cela par Emile Stüblein, frère d’Eugène. On peut ne pas être d’accord, retourner le problème dans tous les sens, mais les faits sont indéniables, la signature du livret a de flagrantes ressemblances avec celle d’Emile Stüblein. Bérenger aura eu manifestement l’intention de l’imiter, si ce n’est Emile qui a lui-même signé les planches. Les signatures sont si aléatoires[1] que nous pouvons nous poser cette question. Telles sont nos conclusions, déduites après analyse de documents indiscutables.

Les planches épigraphiques n°16 et n°17 proviennent du livre de Julien Sacaze[2] (ci-contre), la planche n°18 et celles où sont dessinées la tête dite de Dagogert II (pl. XIX, XX), la stèle et la pierre tombale de Marie de Négri d’Ables (pl. XXI, XXII) ainsi que la dalle des chevaliers (pl. XXIII), seul monument lapidaire incontestable dans son intégralité,  sont des créations de B. Saunière et d’Emile Stüblein.

Un des rares documents légitimant la stèle est le rapport d’excursion à Rennes-le-Château de la Société des Etudes Scientifiques de l’Aude (S.E.S.A) du 25 juin 1905. Cependant, nous avons acquis la certitude que la représentation de la stèle de la dame de Blanchefort publiée dans l’opuscule a été fournie par B. Saunière.

En effet,  dans le texte de la S.E.S.A, à aucun moment E. Tisseyre ne fait allusion à un relevé manuscrit du texte de la stèle. La description du passage dans le cimetière est des plus laconiques : « Une visite au cimetière nous fait découvrir dans un coin une large dalle, brisée dans son centre, où on peut lire une inscription gravée très grossièrement. Cette dalle mesure 1m30 sur 0m65 ». 

La précision est une constante dans toute étude scientifique. Une simple phrase aurait suffi à dissiper tout malentendu quant à l’origine du croquis de stèle reproduit dans le rapport de la S.E.S.A. L’image de la stèle aurait pu être dessinée à l’identique, fendue en son milieu, pour l’authentifier. Dans le même temps,  E. Tisseyre écarte de son exposé la dalle « et in arcadia ego » beaucoup plus originale que la stèle, puisque inspirée par N. Poussin. Nous sommes bien sur une pierre d’achoppement (même deux) dans tous les sens du terme. S’il n’en fait pas mention dans son récit c’est qu’elle n’existait tout simplement pas dans le cimetière de Rennes-le-Château en 1905.

Nous maintenons donc l’idée selon laquelle B. Saunière a fourni à E. Tisseyre, rapporteur de la S.E.S.A, une reproduction codée de la stèle pour la publication de son bulletin dédié à la postérité et crypté l’image de la dalle funéraire attribuée à la dame d’Hautpoul. Dans le sillage d’Emile Stüblein, l’abbé Saunière, aura signé les gravures pour Pierres gravées du Languedoc.

Rien ne stipule une relation directe entre l’abbé Saunière et E. Tisseyre en juin 1905, contrairement à la visite de M. Fages en août 1908. Néanmoins, il est fort peu probable que les excursionnistes se permettent de visiter le jardin de l’église et le cimetière sans que le curé du village n’en soit informé.

Quel plan extraordinaire, si ce n’est un scénario purement imaginaire, de restaurer une église, de modeler de main de maître un jardin magnifique, d’élaborer des parchemins et des documents ramenant aux sources du fabuleux mystère de sa fortune. Une manne documentaire qui servira à P. Plantard et Ph. de Chérisey pour créer leur propre vision de l’histoire.

 

Tableau d’Arcadie

Selon Franck Marie, citant l’abbé Mazières, la pierre tombale de Marie de Nègri d’Ables aurait été une dalle de réemploi provenant du tènement où sera construit plus tard le tombeau dit « des Pontils »[3]. L’ancien cadastre napoléonien (ci-contre) mentionne, d'ailleurs, un cimetière ayant existé autrefois dans le secteur des Pontils. Avant la Révolution, ce fief a appartenu à la famille de Joyeuse, dont l'importance et l'influence ne sont pas à remettre en question, tant dans le Languedoc qu'en Normandie.

La dalle aurait servi de point de repère à B. Saunière pour faire édifier le tombeau de Poussin  et la sentence  et in arcadia ego - une clef de décodage épigraphique  existant depuis déjà très longtemps - façonnée pour le document Pierres gravées du Languedoc par Emile Stüblein et l’abbé.

D’ailleurs, il fera en sorte que M. Galibert, propriétaire aux Pontils près d’Arques, édifie en 1902 ce tombeau en s’inspirant du tableau de Nicolas Poussin : avant dernier acte d’un plan mis en œuvre en 1898 sous la bienveillance de maître Paul roche, notaire à Arques, et père de Déodat.

Vingt ans plus tard la propriété des Galibert fut mise en vente et rachetée par Mme Emilien Rivares. Son fils, Louis Bertram Lawrence, né à Hartford (Connecticut - USA) en 1884, hérita de tous les biens de la famille après sa mort. Les motifs du retour de la famille en France sont inconnus.

Quant à son père, dont on ne connaît que le nom de famille, Lawrence, c’était un hollandais émigré aux Etats-Unis. Qui était-il vraiment ? Cela tient encore du mystère. Nous développerons un début de réponse autour d’un certain Thomas Gardner Lawrence affilié à l’ordre noir Skull & Bones en 1884. Les dates coïncident; ce Thomas Gardner pouvait être le père de Louis Bertram. Connaissant déjà les complicités sous-jacentes du mouvement extrémiste américain dans cette affaire, notre attention se focalise dans cette direction.

Cliquez sur la photo pour lire l'article, "Lawrence d'Arabie aux Andelys" dans le FANUM II (Dossier N. Poussin)
On a longtemps laissé entendre que ce Lawrence des Pontils avait un lien familial avec Thomas Edward Lawrence (1888-1935), le célèbre Lawrence d’Arabie (ci-contre). Rien ne le prouve, toutefois entre 1907 et 1910 on remarqua son passage aux Andelys (27), ville natale de Nicolas Poussin. Qu’était-il venu faire ici ? Du tourisme, nous dit-on ! Savant archéologue, mais aussi écrivain, il fut un personnage des plus énigmatiques dans ses écrits[4].

La prose de l’abbé Delmas, auteur du manuscrit de 1709, a aussi soulevé quelques questions sur ce tombeau des Pontils. En effet, on lit à la page 3 de l’apocryphe le Cercle d’Ulysse[5] : « Ce tombeau… cité dans un ouvrage du XVIIe siècle de l’abbé Delmas ». Hélas, le manuscrit du brave curé décrit seulement des monuments funéraires, appelés cippes. Archéologiquement parlant, un cippe peut également être une borne de propriété. L’abbé évoque encore un tombeau attribué au grand Pompée à Rennes-les-Bains. L’amalgame fait dans le Cercle d’Ulysse est un mensonge de plus du Prieuré de Sion qui vient d’être effacé.

Les Saunière étaient très implantés autour de Rennes-le-Château. Des membres de la famille demeuraient à Arques. Le curé y avait-il quelques possessions personnelles? Diverses correspondances échangées avec Paul roche relatent une situation équivoque. Le 7 octobre 1898, Saunière le prie de monter pour actes de notaire. Le 10 suivant, P. Roché lui demande de se rendre à Couiza pour passer l’acte. Le 26 juillet 1899, Saunière l’interroge au sujet des bornes des propriétés. Les Galibert sont toujours aux Pontils à cette époque. Deux questions se posent alors :

1-     De quelles bornes de propriétés s’agissait-il ?

2-     Où sont reportés les frais de notaires dus par B. Saunière ?

Les carnets de comptes n’en font pas mention et il y a peu de chance pour que les bornes soient celles de ses terrains à Rennes-le-Château.

Le constat s’impose de lui-même :

- Le tombeau des Pontils ne vient pas d’une haute antiquité et n’a rien d’une cache au trésor, ce serait trop facile. Si facile, qu’étant devenu un exutoire à de nombreux chercheurs de magot doré, les propriétaires de la parcelle où était érigé le monument, excédés par les multiples profanations, le firent disparaître, raser tout bonnement vers 1984.

- Il n’a pas inspiré Nicolas Poussin, c’est le tableau de Poussin qui incita à sa construction. A l’instar d’une borne de propriété, il était un point de repère sémantique et géographique… sacré.

L’abbé tente ainsi de nous mettre en garde tout en nous guidant vers le secret du codex bezae connu de l’Initié, Nicolas Poussin. La preuve chiffrée est gravée sur la pierre. Pour rester prudents, nous dirons seulement qu’une clé de cryptage fut ciselée en chiffres romains, LIXLIXL[6] , sur la tombe de la dame de Blanchefort par Bérenger Saunière[7] pour souligner la portée universelle du Codex Bezae : PAX 681 ou ARCHE 186

Le retour du jeune Tobie et sa rencontre avec son père et sa mère, par E. Lavallée Poussin vers 1789

A ceci s’ajoute une question, connaissant déjà deux versions du tableau de l’Arcadie, peut-on penser qu’il en existât une troisième ? Si l’on en croit Antoine Rondelet s’exprimant dans « La Revue d’économie chrétienne » de 1867 cet autre paysage de l’Arcadie de Poussin porterait l’inscription « ET EGO IN ARCADIA VIXI » (sic) suivi de « Et moi aussi j’ai vécu et dansé en Arcadie ». Il ne peut y avoir de confusion avec le deux premières versions bien connues. Et l’auteur de décrire la scène : « Je pense qu'on se rappelle, sans que j'aie besoin d'y insister plus longtemps, ces chœurs de jeunes filles qui se donnent la main, enchaînées les unes aux autres par des guirlandes de fleurs, cet horizon de la campagne de Rome, ce soleil, cette lumière qui est dans le cœur et dans la nature. De ce côté du tableau, il n'y a rien que des sujets de joie. Puis dans un coin, sur une pierre sépulcrale, se trouve cette inscription...»[8].

Un tableau d'Antoine Rivalz, peintre dont nous parlerons plus loin, évoque la même scène tout en portant la citation originale de l'oeuvre maîtresse. A. Rondelet a peut-être commis une erreur en attribuant l’oeuvre à N. Poussin. L’auteur pourrait être également Etienne Lavallée-Poussin, épigone de son ancêtre. D’autant plus qu’il exécuta une toile sur le thème du retour de Tobie. C’est bien entendu un de ces thèmes religieux récurrents adoptés par de nombreux artistes. Toutefois, l’affaire du Liber Tobiae aidant, l’histoire prend une autre tournure même si rien n’indique formellement un rapport entre Lavallée-Poussin et la troisième oeuvre. Quoi qu’il puisse paraître, si ce tableau est de Nicolas Poussin il s’agirait d’un révélation en soi !

Un texte de Diderot publié en 1758 confirme l’existence de l’oeuvre en y décrivant la même scène : « des jeunes bergères qui dansent au son du chalumeau »[9]. Ainsi l’approche philosophique du thème arcadien nous ouvre tantôt les Portes de la mort, décrites par Nicolas Poussin, tantôt celle de la vie, décrites par Maurice Maeterlinck[10]. Temple de vie, temple de mort, où aurait pu passer cette oeuvre dont la citation latine est la seule des trois à comporter des chiffres. Et oui ! VIXI : de la « vie vécue » surgît les nombres 611, 591 ou encore 6101. Curieusement le premier, chiffre de mort inversé (vie/mort), tête en haut, par effet de miroir nous remet les idées en place : 911 - 9/11... Ceci ne vous rappelle rien ? Nombre symbolique, anachronisme de l’histoire ou fait du « Azard » ? Le gardien des Portes du Temps de M. Maeterlinck, Grand-Maître du Azard en détient la clef.

En tronquant, voire transfigurant, la locution dans les deux tableaux connus, le Poussin a-t-il voulu marquer une piste  singulière ? Pourquoi ne pas l’avoir reporté sur les deux autres tableaux. Les pistes chiffrées à la romaine dissimulées dans des textes sont peu communes. L’info est lancée et au lu de ce qui va suivre vous comprendrez qu’il ne faut absolument rien négliger, dixit notre Poussin.


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Thierry Garnier

 


Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 

© 9 janvier 2010 - 1er novembre 2011 M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.
Extrait de « Arcana Codex L.II, du Da Vinci Code au Codex Bezae », M2G Editions, 2006. Revu et augmenté le 01.01.10 et le 01.11.11


Arcana Codex Livre II

 

 



[1] Cf. Arcana Codex L.II, du Da Vinci Code au Codex Bezae,  Th. Garnier, M2G Editions, 2006, p.117.

[2] Inscriptions Antiques des Pyrénées, J. Sacaze, 1892.

[3] Information reprise partiellement dans « Le Cercle d’Ulysse », 1977.

[4] Paris-Normandie,  juillet 1993.

[5] Cote BnF : 4- LK7- 51754

[7] Cf, Gaston Sudre domicilié à Rennes-les-Bains. Il fut enfant de cœur de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château.

[8] Revue d’économie chrétienne, la spiritualité dans l’art, par A. Rondelet, 1867, p.643 et 644. Voir aussi le Moniteur Universelle de 1867 (cf. fonds L. Coutil A-D. 27) .

[9] Et in Arcadia ego ! par  Jean-Claude Berchet. In: Romantisme, 1986, n°51. Premiers combats du siècle, p.86.

[10] Cf. L’Oiseau Bleu, in Mercure de Gaillon N°15.