D’un château en Espagne
ou d’un Prieuré en Belgique
     

 

 

La légende du Prieuré de Sion est bien sympathique, mais il faut remettre de « l 'Ordre » dans son événementiel et ses actes de fondation. De fait, nous devons rendre compte de ses actions plus ou moins dissimulées, pour ne pas dire occultes en cours. Par le croisement d’informations provenant de diverses sources certifiées authentiques, j’ai pu mettre en évidence le rôle joué par la branche espagnole du Prieuré de Sion dans la vente des archives d’Hautpoul chez Drouot en 2009. Ou si ce n’est le Prieuré lui-même ce ne peut qu’être un ou plusieurs de ses membres dissidents.

 

Copie de la bulle papale de 1342 et sa traduction en français (document complet disponible dans le FANUM I)

Lumière sur le Prieuré de Sion

 

De nouveaux éclaircissements quant à son antiquité chaotique créée de toute pièce en 1956 ont été apportés par la même occasion. Tous les documents provenant de l’Ordre sont des montages réalisés pour partie sur des copies de chartes de l’Ordre du Saint-Sépulcre. Ce dernier étant le véritable Ordre de Sion.

Alors qu’en France, Louis vii avait institué l’archiconfrérie du Mont Sion au prieuré de Saint-Samson d’Orléans, on entend réellement parler du véritable Ordre du Mont Sion en Terre Sainte au début du xiiie siècle. Sa fondation est à mettre à l’actif de saint François d’Assise (1182-1226).

On tient pour certain qu’il avait déjà fondé une petite maison (un moustier) tenue par des frères franciscains à Jérusalem, à l’endroit du mont Sion où se trouvait le cénacle[1]. En 1230, le pape Grégoire ix adressa une bulle aux patriarches de Jérusalem et d’Antioche par laquelle il leur recommandait spécialement les frères mineurs afin qu’ils puissent construire leurs monastères librement. Mais depuis les temps forts anciens ils vaquaient au ministère du culte dans les quatre principaux lieux : Nazareth, Bethléem, le cénacle et le saint-sepulcre.

Puis en 1342, robert le Sage, de la maison d’anjou, roi de Naples, obtint du sultan de Syrie, l’autorisation de placer les religieux - ad vitam aeternam - dans l’église du Saint-Sépulcre. Sa femme sanche, reine de Sicile, ordonna la construction d’un autre lieu sur le mont sion avec l’intention d’y maintenir douze frères de l’Ordre de Saint-François[2]. Ces détails précieux sont consignés dans la bulle « Gratia agimus », donnée en Avignon le 11 décembre 1342 par Clément vi[3].  Dans cet acte il est expressément indiqué :

 «... Et notre volonté est que les religieux qui recevront une pareille destination restent soumis, après qu’ils auront passé la mer, au régime dudit ordre du mont sion et à l’autorité du gardien et du ministère provincial de la terre sainte, suivant leurs attributions ». Les religieux du mont de Sion appartenaient comme ceux du mont des Oliviers à l’Ordre du Saint-Sépulcre[4].

Voilà les Franciscains, appelés également cordeliers, établis à perpétuité dans l’église du Saint-Sépulcre, et autres sanctuaires grâce aux libéralités de Sanche et de Robert, sous le titre d’ordre du mont sion [ci-contre].

 

Les quatre piliers du Prieuré

Frangment de sceau de l'Ordre de l'Etoile

 

Les documents produits ici font partie d’un dossier monumental, constitué de fonds d’archives, provenant de diverses sources, et que nous avons nous-mêmes consultés. Tous ces écrits sont facilement vérifiables.

Depuis quelques temps nous avons reçu le soutien de nombreuses personnes. Elles nous ont contactés car elles ont à cœur de défendre la mémoire de l’Ordre et de comprendre la véritable société secrète dissimulée derrière le Prieuré de Sion.

Toutes nos investigations dans les divers dossiers de cette affaire, de Gisors à Rennes-le-Château, se recoupent. Elles nous ont guidés curieusement dans la même direction, un peu comme l’etoile du berger et c’est peu de le dire.

Vous l’aurez remarqué, nous ne basons pas nos affirmations sur des certitudes intangibles marquées de faits d’ombres, de trompes l’œil ou de cotes géométriques mal taillées.  Nous avons entre les mains un faisceau de preuves concrètes. En compulsant cette masse de documents, l’analyse révèle une décalcomanie parfaite des événements historiques, évoqués plus haut, sur la constitution du Prieuré de Sion de 1956.

La pseudo antiquité de cette association se résume donc à la combinaison d’au moins quatre Ordres chevaleresques et religieux authentiques : l’Ordre de l’Étoile fondé en 1022 par le roi Robert ii, l’archiconfrérie du Mont Sion fondée par Louis vii en 1152 au prieuré de Saint-Samson d’Orléans, l’Ordre de Saint-Lazare institué en 1154 au château de Boigny par ce même Louis vii et un Ordre de chevalerie ecclésiastique du Languedoc que nous avons déjà évoqué. Ce dernier détient une facette la plus authentique du Prieuré de Sion implanté dans le Razès dès le XVIIe siècle.

L’Ordre des Chevaliers Teutoniques semble prendre part quelque peu marginale à cette vaste mascarade : il fut institué en 1191 sous l’appellation d’Ordre de Notre-Dame de Sion[5]. Une pincée d’initiation maçonnique chrétienne et Rose-Croix parachèvera la « Kabale », création romantique de 1956. En se hasardant à capter l’œuvre de Paul Le Cour, fondateur de la revue Atlantis et héritier spirituel du baron Alexis de Sarachaga, le Prieuré de Sion n’essayait-il pas d’avoir la main mise sur les ruines encore fumantes de la Société de Fastes Eucharistiques de Paray-le-Monial, autrement dit le Hiéron du Val d’Or dont Bérenger Saunière fut le mandataire occulte à Rennes-le-Château ?

 

Liste des premiers membres de l'Ordre de Chevalerie de Marie-Madeleine (document complet disponible dans le FANUM II)

Transmettre et savoir

 

Des personnalités, les plus illustres de leur temps, ont été ajoutées à la liste de ce méli-mélo. Choisis avec prudence pour leur appartenance à des ordres de chevalerie légitimes, des sociétés secrètes ou leur connaissance des mondes occultes, ces personnages sont devenus les Grands Maîtres fictifs d’un Ordre secret fantoche s’accaparant du même coup une certaine aura maçonnique[6]. Toutefois, la notice biographique de ces soi-disant Grands Maîtres parue dans « l’Enigme Sacrée » au début des années 80 a une valeur historique incontestable. Mise à part la filiation de la maison de Gisors et de Saint-Clair qui est fausse et les quelques faits invérifiables, on ne peut nier les recherches de Lincoln et de ses deux acolytes. Tous ces pseudo Grands Maîtres ont fait partie d’ordres de chevalerie connus, de la franc-maçonnerie ou encore des Rose-Croix de J.V. Andréa. Beaucoup étaient alchimistes et occultistes reconnus en tant que tels.

Ceci constitue la trame du scénario du Prieuré de Sion né en 1956. Derrière cette façade de « continuateur » d’un « ordre antique et mystique » se révèle la véritable histoire d’un ordre de chevalerie ecclésiastique évoluant dans le Razès à partir des années 1620, totalement ignoré de ces fondateurs modernes. J’ai remis au jour un manuscrit méconnu prouvant indéniablement l’existence de cet Ordre religieux et militaire secret dans lequel est impliquée toute la noblesse du Razès de l’époque, notamment les familles d’Hautpoul, de Montesquieu, seigneurs de Bugarach etc., et plus largement celle du Languedoc jusqu’en Gévaudan probablement à l’origine d’un « Pacte des Loups », nous projetant au-delà du réel.

 

Passeport pour Béthanie

 

Tentons, maintenant, de découvrir pourquoi le sieur Plantard choisit ce titre de « Prieuré de Sion ». Où ses fondateurs voulaient-ils en venir en le baptisant de la sorte ? Car il existe deux véritables prieurés de Sion.

Le premier, c’est en Belgique justement, terre d’adoption de Ph. de Chérisey[7], que nous l’avons découvert. Les traces[8] de ce monastère existent toujours et tenez-vous bien, il est également appelé couvent de Béthanie, du nom même de la villa bâtie par l’abbé Saunière.

Rappelons au lecteur, selon les documents apocryphes parus dans les Dossiers secrets Lobineau, qu’en 1481 une maison du Prieuré de Sion dite Béth-Anie (sic) aurait existé à Rennes-le-Château. Elle était considérée comme une arche appelée kyria complétant les vingt-sept commanderies du Prieuré de Sion. Certains de ces éléments se retrouvent encore dans le « Commentaire Ancien », additif au dossier « Liber Tobiae » (cf. vente Drouot 2009).

Le Nouveau Testament nous renseigne sur la nature de cette kyria[9]. Elle était une correspondante de Jean l’évangéliste, mais les opinions varient beaucoup sur son compte. D’autres la nomment electa[10] qui, d’après Clément d’Alexandrie, était une femme distinguée de Babylone ou d’Éphèse. Quelques-uns veulent qu’Electa ne soit pas un nom propre, mais une appellation honorifique de la personne anonyme à laquelle s’adressait Jean. Une version moins répandue dit que ce mot désignait symboliquement quelque Église d’Asie.

Dans le contexte de notre recherche, il nous paraît impossible de dissocier electa de la cité d’Alet-les-Bains : electa est l’ancien nom latin de la station thermale des Corbières. Alet est aussi la première charge ecclésiastique de l’abbé Saunière.

Le véritable Prieuré de Sion (ou de Béthanie) dont nous connaissons maintenant l’existence en Belgique était situé en Flandre à proximité de Vilvoorde[11]. D’autres sources le localisent près de Malines[12].  C’était un monastère, abritant une communauté de Bénédictins, construit sur le tombeau de saint Rombaut, ermite étranger, peut-être un Scot[13] décédé vers la fin du viiie siècle. Il devient une dépendance de l’Église de Liège au commencement du xe siècle. Les moines furent remplacés par des clercs au cours de cette période. Puis, le couvent fut détruit vers la fin du xvie siècle, aux alentours de 1572, lors d’un incendie provoqué par les Gueux. Il en reste une vue topographique exécutée en 1687 par le peintre Jacob Smeyers (Malines 1657-1732) [ci-contre] d’après une gravure originale antérieure. La représentation du couvent sur toile reproduit fidèlement, au détail près, l’œuvre du graveur Jan Van Hanswijck datant de 1576. On ne sait pas s’il a fait lui-même le levé du couvent avant 1572 ou s’il a utilisé une source plus ancienne.

Il se peut, malgré tout, qu’il y ait confusion entre le Prieuré de Sion (ou de Béthanie) de Vilvoorde et le couvent de Béthanie de Malines. Dans la Revue monastique et liturgique de 1929 on remarque une mention au Prieuré de Sion de Vilvoorde et à son supérieur Dom Raphaël Molitor également à la tête de l’abbaye Saint-Joseph en Westphalie[14]. Le Prieuré de Sion de Vilvoorde était encore en activité en 1929.

On remarquera encore la lettrine ou symbole templier, reprise par le Prieuré [ci-dessous]. Le symbole est extrait d’un manuscrit original du xiie  siècle de la bibliothèque de Bruges concernant la Règle de l'Ordre du Temple[15], commanderie de Baelst (banlieue de Bruges), bailliage de Flandres-Bruges en Flandre orientale. Ce manuscrit porte l'ex-libris de l'abbaye des Dunes. Il passe pour être le plus ancien exemplaire connu, transcrit du vivant de l'abbé de Clairvaux, alors qu'il n'était pas encore saint, mais seulement qualifié de Dom Bernard. Ce troisième document nous a été transmis par Jean-Luc Nozière. Le manuscrit de l’abbaye des Dunes est conservé dans la bibliothèque de Bruges sous la cote Ms n°131. Il se compose de 141 f. format in-4°, où sont retranscrits sept livres et lettres (à l’attention de saint Bernard), dont la règle des Templiers constituant le premier livre : « longues lignes réglées à la pointe, avec des lettres coloriées, initiales ornées d’arabesques ». La règle de l’Ordre du Temple renferme soixante-dix articles.

 

Au-delà des mines de Sion

 

Du prieuré belge jusqu’à Electa en passant par notre Ordre de Chevalerie secret, c’est vous dire que tout n’est pas inexact dans les falsifications Plantard-Chérisey. Nous avons plutôt affaire à une altération ou à un maquillage d’une Connaissance secrète savamment orchestrée, une manipulation de masse.

Le second prieuré de Sion a été élevé en France en Loire-Atlantique[16]. On le situe près de Redon. Il s’agit du prieuré de Sion-les-Mines. Cette commune fut dénommée Sion jusqu'en 1920. Le prieuré fut fondé vers 1156 par les seigneurs de Sion. Dans le bulletin de la Société archéologique de Nantes et de Loire-Inférieure il est dit : « Auffroy de Sion, fut aussi un grand bienfaiteur des moines de son temps. Dès 1226, lui et Louise, sa femme, fondèrent dans leur forêt de Domenesche le prieuré de Brillangault, en faveur de l'abbaye de la Roë. Puis Auffroy donna une maison et une vigne aux religieux du prieuré de Sion fondé par ses ancêtres, avant 1115, pour l'abbaye de Marmoutier ».

Or, nous avons aujourd’hui la preuve rattachant l’abbaye de Marmoutier, près de Tours, à la famille de Gisors dans une charte de 1066 émanant du cartulaire de l’abbaye Saint-Martin de Pontoise en faveur de cette abbaye de Marmoutier. Cet acte confirme le lien de parenté de Hugues, père de Thibaud-Payen, seigneur de Gisors.

Ces informations ne pouvaient échapper aux appétits féroces de Pierre Plantard qui habita longtemps Sion-les-Mines. Le choix du nom de son association était donc tout trouvé. Qu’il soit de Belgique ou de France, voire d’Espagne, P. Plantard et Ph. de Chérisey apportèrent finalement chacun leur pierre à l’édifice.

Tout en ignorant l’existence de l’Ordre de Chevalerie en Languedoc – l’Ordre des Chevaliers de Sainte Marie-Madeleine – Les fondateurs du Prieuré de Sion moderne concédèrent à leur société secrète une filiation antique fictive, mais néanmoins réaliste dans la continuité du Hiéron du Val d’Or et Alpha Galates. Ce Prieuré-là n’allait pas tarder à tomber dans le giron des services secrets américains, au grand dam de Pierre Plantard.





Documents et pièces justificatives


      

Extrait de
"La Chronique Redhaesienne, Arcana Codex L.IV"



Th. Garnier

 

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[1] Histoire de la Terre Sainte, traduit par L. Poillon, par Matias Rodriguez Sobrino, 1857, p.13.

[2] Histoire des rivalités et du protectorat des églises chrétiennes d’Orient, par Stanislas Marie César Famin, éd. Firmin Didot, 1853, p.178.

[3] Pierre Roger de Beaufort, ex-archevêque de Rouen.

[4] Au Roi, Très-humbles et très-respectueuses représentations des chevaliers, voyageurs et confrères de dévotion du Saint-Sépulcre de Jérusalem, par Me Perin, Ballard & fils, 1776, p.9.

[5] Op. cit. Encyclopédie méthodique, T.VI, p.600 et suivantes.

[6] Cf. Gisors ou La Chronique Vulcaine, Arcana Codex Livre III, Th. Garnier

[7] La famille est originaire de Lorraine.

[8] Messager des sciences historiques de Belgique, collectif, 1880. Cf. Revue historique, T.14, 1880, p.218-219.

[9] Cf. le Nouveau Testament, second épître de Jean : Du nom d’une femme choisie par Dieu engendrant Vérité et Amour.

[10] Saint Paul et Sénèque, recherches sur les rapports du philosophe avec l’apôtre, T.I, par Amédée Fleury, éd. Librairie Philosophique de Ladrange, Paris, 1853, p.171.

[11] Ons geestelijk erf, de Ruusbroec-Vereniging, Universitaire Faculteiten St.-Ignatius, Belgium, 1927, p.330.

[12] Le peintre et l’arpenteur, images de Bruxelles et de l’ancien duché de Brabant, de Véronique Van de Kerckhof, Helena Bussers, Véronique Bücken, 2000, p.120.

[13] Peuple de l’ancienne Écosse.

[14] Revue liturgique et monastique, numéro spécial publié à l'occasion du XIVe centenaire de la fondation du Mont-Cassin, collectif, Ed. De l’abbaye de Maredsous, 1929, p.97.

[15]Atlas du Mystère RTL édition 1985 et catalogue, méthodique, descriptif et analytique des manuscrits de la bibliothèque de Bruges, par J. Laude, 1859, p.117.

[16] Bulletin de la Société archéologique de Nantes et de Loire-Inférieure, 1899, p.138.


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