Contrairement à l’abbé SAUNIÈRES de RENNES-le-CHÂTEAU dont l’origine de la fortune reste fort
mystérieuse, celle de l’abbé MOREUX de BOURGES est on ne peut plus limpide. Ce sont les droits d’auteur de ce prêtre, pratiquement
contemporain de l’abbé SAUNIÈRES et lui aussi « hors norme », qui lui
permirent d’entreprendre la construction, sur ses propres deniers d’un
véritable observatoire astronomique dont la ville de BOURGES continue
aujourd’hui encore de garder le souvenir. Or, si sa vie n’est pas un mystère (encore que…)
ses livres en revanche le sont. Il y a une énigme de l’abbé MOREUX et de ses
connaissances très ésotériques et parfois bien peu en adéquation avec celles
d’un prêtre…. Enigme d’autant plus dérangeante et intéressante
que nous trouvons une citation de l’abbé MOREUX dans un endroit
inattendu ! Il s’agit en effet du fameux opuscule appelé le Serpent Rouge dont nous avons si
souvent entendu parler à propos de RLC. Rappelons que cet ensemble de documents déposés
à la B.N. le 15 Février 1967 sous la cote 4°L7K50490
et qui peuvent être attribués à PLANTARD et de CHERISEY continuent de poser
bien des questions. ![]() ![]() En revanche le lien avec l’abbé Théophile MOREUX
me semble n’avoir été jusqu’à présent que très peu mentionné. J’ai d’ailleurs tenté récemment d’introduire le
sujet sur certains forums consacrés à RLC mais il est indispensable d’aller
plus loin dans la démonstration. Au lecteur de daigner se souvenir
que » : « Après un long sommeil les
mêmes hypothèses ressuscitent sans doute nous reviennent-elles avec des
vêtements neufs et plus riches mais le fond reste le même et le masque nouveau
dont elles s’affublent ne saurait tromper l’homme de science. » (Extrait de l’Alchimie moderne de l’abbé Th. Moreux,
Directeur de l’Observatoire de Bourges.) Or, cette citation est sans intérêt. Pas plus
d’ailleurs que l’ensemble de la page 10 d’où elle est extraite et dont je
présente la photocopie. Il s’agit d’un texte très banal sans le moindre
sous-entendu ésotérique, d’ ailleurs ce que voulait montrer l’abbé MOREUX
c’étaient les liens qui existaient entre la science et Dieu. J’ajoute que l’abbé MOREUX eut une attitude
courageuse pendant la guerre. Arrêté et torturé par la Gestapo, il échappa de
peu à la déportation. On ne peut en dire autant de PLANTARD et de ses
dangereuses élucubrations durant cette même période !
Alors, pourquoi cette citation sans intérêt en
exergue de ce mystérieux opuscule ? Donc seule la phrase : « L’Alchimie moderne
de l’abbé Th. MOREUX, directeur de l’observatoire de BOURGES » mérite
notre attention ! On peut donc arriver à une première
conclusion : Les auteurs quels qu’ils soient et quelque
soient leurs motivations n’ont pas mentionné cet extrait d’un livre précis, l’Alchimie moderne, d’un auteur précis,
l’abbé MOREUX, avec sa fonction bien particulière, directeur d’un observatoire
et d’une ville précise, BOURGES, sans raison. Bref, tout cela a bien un sens. Il
me semblait donc indispensable de mettre à plat les enjeux de ce choix. En effet, il n’est pas inutile de rappeler que
le titre lui-même du Serpent Rouge
fait référence à la science hermétique et au processus de la transformation
alchimique. Un très beau texte du XVe
siècle consigné à la B.n.F, cité dans L’œuvre royale de Charles VI (Il
s’agit de Charles VI de Valois et non du roi de France), nous donne
l’explication de ce que représente le Serpent Rouge. Voici ce texte : « La montagne est le four d’Athanor avec
tous les instruments et couvercles La maison est la partie supérieure de l’Athanor La chambre est le couvercle du verre Le nid est le vaisseau du verre où est le Dragon et sa femme Le Dragon est le Soleil résolu en humidité et la
Lune est sa femme prégnante du Soleil Le fils est le Soufre blanc et rouge LE SERPENT ROUGE est le feu qui est leur
père qui est faible et fort selon la volonté de l’Artiste La Caverne est son habitation L’Inde orientale est
l’argent vif qui est de couleur d’Inde. » Le Serpent Rouge, c’est donc le feu qui fait
brûler l’athanor. Alors pourquoi l’avoir
choisi pour titre d’un opuscule rassemblant un ensemble de textes aussi
disparates ? Ces textes représentent peut-être la métaphore
de la quête alchimique. Bien les comprendre, c’est découvrir la pierre
philosophale et atteindre une certaine forme du Graal. Toutefois, à leur
contact, on peut également se brûler ! Mais puisqu’il était question d’alchimie, je me
suis posé une autre question : pourquoi avoir choisi un texte de l’abbé
MOREUX ? On aurait pu prendre FULCANELLI ou Eugène
CANSELET… On aurait également pu faire référence à Jacques BERGIER ou pourquoi
pas, citer Ulrich de MAYENCE. D’autant plus que, soyons honnête, L’alchimie moderne publiée en 1924 est
un livre qui aujourd’hui a surtout le charme un peu désuet des années vingt.
J’en présente d’ailleurs la couverture. Rien de bien ésotérique dans le texte
lui-même. Le mystère est ailleurs, ce
livre a été écrit par un abbé extraordinaire, l’abbé MOREUX.
Et, tout comme l’abbé SAUNIÈRES, l’abbé MOREUX consacra d’énormes sommes
d’argent dans les constructions qu’il entreprit. ![]() Il ne disposait pas d’un observatoire digne de
ce nom et de ses travaux dans la ville de BOURGES. Il avait donc financé de ses
propres deniers à partir de 1907 l’achat d’un terrain rue Ranchot
et la construction d’une maison destinée à abriter son observatoire
astronomique. Tout cela sans aide publique, uniquement avec
les droits d’auteur heureusement confortables que lui rapportaient ses nombreux
livres de vulgarisation scientifique... C’est du moins la version officielle. Ajoutons qu’issu d’une famille modeste, il
n’avait bénéficié d’aucun héritage exceptionnel. Cet observatoire présentait un aspect d’une
grande originalité pour la ville de Bourges. L’abbé MOREUX l’avait fait
construire dans le style des maisons orientales. En passant devant le 22 de la
rue Ranchot, on se croyait davantage dans une rue de
Tanger que dans la capitale du Berry. C’était une coupole digne d’un palais des
mille et une nuits qui servait de poste d’observation au grand astronome
qu’était notre abbé ! (Voir ci-contre). Commençons par le plus célèbre des enfants de
BOURGES, je veux parler de Jacques COEUR. Nous connaissons tous plus ou moins
l’histoire de ce marchand à la fière devise : «A vaillant cœur, rien
d’impossible ». Remarqué par Charles VII surnommé le Roi de
Bourges avant de redevenir, grâce à Jeanne La Pucelle, le Roi de France, sacré à Reims, Jacques COEUR avait
obtenu l’autorisation de commercer avec les infidèles (il fallait à cette
époque une autorisation pour faire du commerce avec les musulmans !). Il avait bâti une puissante flotte
essentiellement basée à MONTPELLIER (nous voilà dans le LANGUEDOC). Notons que
l’île de RHODES était également l'une de ses bases stratégiques. D’ailleurs, en 1440, il reçoit la charge de
Commissaire royal auprès des Etats du LANGUEDOC. En même temps il renforce ses
installations commerciales au Nord, dans la ville de BRUGES. Nous
dirions aujourd’hui que c’était un capitaliste et un financier. Déjà à son
époque il croyait à la vertu du commerce mondialisé ! Jacques CŒUR fut nommé Maître de la monnaie en
1437. En 1439 il devient grand Argentier du royaume, ce qui signifie qu’il
tenait la comptabilité des recettes et des dépenses de la maison du roi. Nous savons qu’il prêtait de grosses sommes
d’argent au roi et à toute la Cour. De 1444 à
1450, il est le plus proche conseiller de Charles VII.
Il est un mythe pour la France entière, c’est l’or fait homme. Le 22 juillet 1451, Charles VII lui accorde une
somme de 762 livres tournoi. Le 31 juillet, le roi donne l’ordre de l’arrêter
et de faire saisir tous ses biens ! Oui, cela nous rappelle quelque chose !
Philippe IV le Bel et les Templiers, bien sûr. Et comme pour les Templiers c’est la chute. Les Templiers avaient accumulé des actifs
mobiliers et immobiliers là où Philippe le Bel n’avait que des dettes. Il en est exactement de même pour Jacques Cœur.
Jacques Cœur prêtait de l’argent au Roi et à toute la Cour, il prêtait même à
la Reine Marie d’Anjou pour l’achat de ses robes ! Les templiers tout comme Jacques Cœur étaient
les premiers banquiers du royaume à des époques différentes. Ils finançaient
les croisades et assuraient ce qu’on pourrait appeler la logistique,
c’est-à-dire la protection et l’hébergement des hommes et des marchandises. De plus une légende (mais est-ce vraiment une
légende ?) veut que Jacques Cœur ait été lui-même en secret affilié à un
Ordre survivant en secret du Temple, en particulier à cause des croix
templières que l’on trouve sur certains vitraux de son palais, mais également
pour ses liens avec les Chevaliers de RHODES. Enfin, Jacques COEUR avait également acquis la
mine de plomb argentifère de PAMPAILLY dans le Lyonnais. Nous trouvons trace
des très bonnes conditions de travail qu’il accordait à ses ouvriers et qui
étaient assez exceptionnelles pour l’époque. D’où peut-être, par la suite, les tenaces rumeurs
qui traîneront à son sujet et qui feront de lui un alchimiste ! BOURGES, ville première de l’hermétisme continue
de porter fièrement les emblèmes des maîtres de l’athanor sur ses monuments les
plus célèbres. Le Palais Jacques Cœur, après la Cathédrale, est
peut-être le monument le plus célèbre de BOURGES. Dans son Histoire
des règnes de Charles VII et Louis XI Amelgard
qui se qualifie de « prêtre liégeois » (nous savons aujourd’hui qu’il
s’agissait de Thomas Basin) écrivait au sujet du Palais Jacques Cœur : « Il donna la preuve de son opulence en
faisant construire en fort peu de temps à Bourges, sa ville natale, cette
maison si richement ornée, si spacieuse et si magnifique en même temps que ni
les princes du sang ni le roi n’en avaient qui lui fussent comparables. » Certains ont affirmé que le palais Jacques COEUR
était un livre de pierre dédié au Grand Œuvre… S’il l’est, c’est de manière
fort discrète et d’une lecture réservée aux initiés. En revanche, c’est l’Hôtel LALLEMANT, autre
grand monument de BOURGES, qui peut être compris comme le véritable livre de
pierre dédié à de la science hermétique. En 1467 un commerçant, Guillaume LALLEMANT, dont
la famille est venue d’Allemagne deux siècles auparavant achète à BOURGES des
terrains donnant sur la rue Bourbonnoux afin de se
faire construire une belle demeure. Ses ancêtres venus d’Allemagne avaient été
surnommés les allemands, peu à peu leur surnom était devenu leur nom de
famille, les LALLEMANT. Guillaume LALLEMANT fait commerce de produits de
luxe, il s’enrichit et désire transmettre l’image de sa réussite par la
construction de cette belle maison bourgeoise. Malheureusement le terrible incendie qui débuta
le 22 Juillet 1487 et qui fut très long à éteindre détruisit entièrement cette
maison qui appartenait alors à Jean, son fils. Or c’est un magnifique hôtel particulier qui
sera reconstruit à la place par ses enfants à partir de 1490. Précisons que les deux enfants de Jean se
prénommaient également…Jean ! Pour faciliter les choses ils se
différenciaient entre Jean l’aîné et Jean le jeune. Cette demeure deviendra l’hôtel LALLEMANT. Ainsi, comment ce magnifique hôtel particulier,
pratiquement un palais, construit par les frères LALLEMANT fut-il édifié et
avec quel argent ? Terminé en 1518, le nouvel édifice est orné sur
ses murs et ses plafonds de symboles alchimiques. Ils ont donné une renommée
exceptionnelle à cette demeure par ailleurs magnifique. Les symboles
hermétiques y sont fort nombreux… En particulier le plafond aux trente emblèmes
dans la salle appelé Cabinet des armures. On peut y découvrir le livre dans un
feu ardent, le brasero avec la boule enflammée, le petit génie enfourchant la
kabbale et…la sphère dans le brasier. (voir ci-dessous) Le décor des coquilles et des boules enflammées
est présent sur de nombreuses colonnes. Sur une tour d’escalier c’est un
alchimiste qui tient un ballon d’expérience. Sur une crédence de pierre encastrée dans le
mur, ce sont trois grenades enflammées au fronton avec une mystérieuse
inscription : « RE.RE.RER. » répétée
trois fois à l’intérieur d’une niche bordée de la rose emblématique des Lallemant. (voir ci-dessous) Au début du XVIe siècle, les LALLEMANT ne sont
plus de simples marchands. A côté de leurs responsabilités locales, ils
assument des charges importantes dans le royaume. En effet, Jean l’aîné est receveur général de
NORMANDIE, tout comme son père tandis que Jean le jeune est responsable des
finances du LANGUEDOC. De la Normandie au Languedoc, de GAILLON à
CARCASSONNE, le chemin ne passerait-il pas par BOURGES ? Jacques CŒUR était commissaire royal près des
Etats du LANGUEDOC, Jean LALLEMANT était responsable des finances du LANGUEDOC. Les liens entre les deux familles existent
depuis longtemps… Et que cache cette mystérieuse confrérie de l’ORDRE DE LA TABLE RONDE (également appelée Notre-Dame de la Table ronde) ? A BOURGES, comme dans bien d’autres lieux, il
semblerait que quête alchimique et esprit chevaleresque soient étroitement liés,
du moins c’est ce qu’on veut peut-être nous faire croire. L’Ordre de la Table
ronde fut créé en 1486 par un marchand lyonnais, Jean de CUMARCHOIS. Malheureusement
le grand incendie de 1487 détruisit l’ensemble des archives relatives à sa
création ! La tradition ésotérique de Lyon à cette époque
est importante. Société du Brouillard et autres Sociétés Angéliques y sont
nées. Quelques années plus tard, vraisemblablement en
1492 c’est Jean l’aîné LALLEMANT qui en prend la tête. Ils sont alors vingt
quatre chevaliers. Quels étaient les véritables buts de cette
étrange confrérie. Est-elle à l’origine de la réussite financière et politique
des frères LALLEMANT et n’est ce pas la preuve de l’implantation à BOURGES du
traditionnel ésotérisme lyonnais ? Dans le contexte de l’époque, la création de
confréries, de compagnonnages, de sociétés fraternelles ou d’ordres plus ou
moins secrets était une démarche tout aussi courante qu’aujourd’hui la création
d’une association loi de 1901…. Tel que le Prieuré de Sion en 1956 ! En revanche, les questions restent toujours la
même : quels sont les véritables buts et la réelle substance de tous ces
groupements…Et peut-on parler d’un réseau d’initiés tissant au fil des siècles
une étrange toile d’araignée ? J’ai voulu dans cette courte démonstration
prouver que les auteurs du Serpent Rouge
nous avaient volontairement entraînés, par l’intermédiaire de l’abbé Théophile
MOREUX dans la direction de BOURGES, de l’alchimie mais aussi de
groupements plus secrets. Et il n’est pas anodin que BOURGES soit la ville
natale de saint SULPICE, ni qu’un de ses archevêques, Edigio
COLONNA, alias Gilles de ROME ait participé à l’anéantissement des Templiers.
Mais il reste encore bien des mystères à
explorer… Espérons que le Serpent Rouge soit à l’œuvre et
qu’il nous sorte du brouillard !
_____ BIBLIOGRAPHIE
-Abbé TH.MOREUX, L’Alchimie moderne,
Paris, Gaston Doin, 1924. -GAUCHERY, de GROSSOUVRE, Notre vieux BOURGES, Bourges, Desquand et
fils, 1966 -C.LEBER, Collection des meilleures dissertations,
notices et traités particuliers relatifs à l’histoire de France, Paris, G.A. Dentu, 1838. -C.LEBER, Histoire critique du pouvoir municipal, de
la condition des cités et des villes,
Paris, Audot, 1828. -Roger RICHET, BOURGES pas à pas, Roanne, Editions Horvath, 1984. -Emile MESLE, Histoire de BOURGES, Roanne, Editions Horvath, 1983. -Dominique RAVEL, L’œuvre royale de Charles VI, Léopard d’or, 1984. SITE
INTERNET
- Roland NARBOUX : encyclopédie@bourges.net |