![]() Si des
écrivains ou des artistes reconnus tels Maurice Leblanc, Jules Vernes, Gaston
Leroux, Nicolas Poussin, etc. ont cru bon de « codifier » leurs
œuvres sans faire de révélations fracassantes de leur vivant c’est qu’il devait
y avoir une raison Supérieure
les dissuadant de le faire. Théodore de Bèze avait agi de la même manière quand
il avait eu connaissance des additions commises dans son Codex éponyme. Un
atavisme forcené paraît s’être insinué au sein de la « Communauté du Secret » pendant des siècles. Les
métamorphoses du vide Les mythes
de l’Arcadie ont pris une place prépondérante dans cette énigme. Mais pourquoi
l'Arcadie justement ? Pour qui s’intéresse de près aux mythes du Razès, cette
question est obsessionnelle. Elle taraude l’esprit du chercheur depuis la
genèse de l'affaire des deux Rennes. Pourquoi
l’abbé Saunière a-t-il choisi le thème de la mythique Arcadie pour faire passer
son message à travers le temps et plus particulièrement le tableau de N.
Poussin « Les Bergers
d'Arcadie » (ou l'Arcadie. Pl.21)[1] ?
Car il s'agit bien de cela. Faire passer des informations à la postérité, ou
tout du moins à ceux qui sauront les décrypter, voire tout au plus à ceux qui
auront la curiosité de se pencher sur ce mystère. Tel un songe
à son évocation, de la contrée grecque s’esquisse des paysages aussi fascinants
qu’inquiétants, un jardin d’Eden oublié d’où jaillis des légendes tantôt
merveilleuses, tantôt terribles. Nicolas
Poussin y trouva toute l'inspiration pour exercer son art baigné depuis
l’adolescence dans le flot des mythes gréco-romains. La plupart
du temps, les exégètes de l’affaire focalisent leur attention sur l’aventure
d’Arcas et Callisto ou bien théorisent sur « la nature de l’âme humaine
et de son devenir dans un paradis perdu quand l’âge d’or fera son grand
retour ». Or, le
paysage de carte postale dépeint à grand renfort de circonvolutions romantiques
se voit passablement écorné quand on se penche sur toute l’histoire de
l’Arcadie et surtout celle de son roi Lycaon. Dans ses
Métamorphoses, Ovide dresse un portrait peu flatteur de ce Roi tyrannique.
Lycaon, voulant inspirer aux Arcadiens un grand respect pour les lois qu'il
proclamait, prétendait que Zeus venait souvent le visiter dans son palais sous
la figure d'un étranger. Mais ses enfants ayant des doutes sur ce prodige, et
voulant les éclaircir, saisirent le moment où Lycaon offrait un sacrifice au
dieu dont il se disait inspiré pour mêler aux chairs des victimes celle d'un
jeune enfant qu'ils venaient d'égorger, à savoir son petit-fils Arcas. Un
prompt châtiment suivit ce crime immonde. La foudre de Zeus en consuma les
auteurs. Pausanias,
dans ses Arcadiques, raconte que
Lycaon fut métamorphosé en loup après le sacrifice d’Arcas. Il reprenait sa
figure d'homme tous les dix ans, pourvu que dans cet espace de temps il se fût
abstenu de chair humaine sur de nouvelles scènes de crimes. Ainsi, par
la force du vice et des maléfices, l'Arcadie est devenue la terre mère des
lycanthropes, c’est-à-dire des loups-garous. Lycaon a donné son nom à ce
sortilège : la lycanthropie que d'aucuns considèrent comme une infection. En
réalité, un sortilège allant au-delà d’une infection, car passant de la Grèce
antique à l’Empire Romain le maléfice se mua en festivités et rituels païens
baptisés fêtes lupercales : la
fête des loups dite fête de Pan (chez les grecs) ou de Faunus Lupercus (chez
les romains) afin de s’assurer de la bienveillance du dieu pastoral (de la
nature et de la fécondité). Le dieu Lupercus, qu'il soit Mars ou Pan[2],
est un loup-bouc (lupus-hircus). Il préside au soleil (loup), source de toute
fécondité ou resplendissante image du dieu générateur (bouc), car le loup est
un emblème de la lumière. En Arcadie,
près de la ville de Lycosure (la queue du loup), on adorait dans les fêtes du
loup (lycéennes), sur le mont du loup (Lyceaon), Zeus-loup (lycéen), qu'à ses
ailes d'aigle nous reconnaissons pour un démiurge et qui aura fait
briller la lumière au sein du chaos. Sous le bénitier de l’église de Rennes-le
Château, Asmodée, identifié à Pan,
pourrait bien en être la réplique ou le digne représentant. Ce démon semble être pour notre curé audois une entité multi-faces qu'il manipule à loisirs. Nous y reviendrons. Lycaon
institua lui-même les fêtes lupercales, qu'il souilla par le sacrifice de
victimes humaines. Ces fêtes, après avoir été interrompues pendant quelques
siècles, furent rétablies à Athènes. Lycurgue, en les conservant à Lacédémone,
abolit les sacrifices humains qui les accompagnaient. Selon Ovide,
les lupercales étaient célébrées le troisième jour après les ides de
février : le 15 février pour être précis, aujourd’hui jour de la Saint
Valentin. Passant d’un rituel morbide à la glorification de l’Amour (A mort,
amore / Amour)[3],
elles s’étalaient sur une période de 15 jours à partir de la Chandeleur, fêtes des chandelles. L’Eglise
de Rome a christianisé cette période de festivités. La Chandeleur est devenue la
présentation au Temple de l’Enfant Jésus. Les
lupercales avaient été instituées à Rome en l’honneur de Lupercus (ou Pan) par
Romulus et Rémus ou par Evandre. L’origine pélasgique du dieu Pan prouverait
que Romulus et Rémus n’ont fait que perpétuer le culte de leurs ancêtres, des Troyens, s’étant installés dans le Latium
après la chute de Troie, la seconde Asgard[4].
Rappelons simplement le mythe de la louve qui allaita les fondateurs de Rome. Les
Luperques (Luperges ou Lüperqües), prêtres du dieu Pan, célébraient les
Lupercales. Ils étaient les plus anciens prêtres de Rome ayant été ordonnés
depuis sa fondation. Ils étaient divisés en deux collèges, celle des Fabiens et des Quintiliens. Jules César
en ajouta une troisième qu’il nomma les Juliens[5]. Ces collèges, notamment le Fabien[6],
devenues invisibles ont perduré au-delà des siècles. Nicolas
Poussin fut initié et affilié à plusieurs d’entre eux. Hélas, certaines sont
arrivées jusqu’à nous sous forme de sociétés secrètes, ou de confréries dites
de Loups-Garous[7],
voire des « ordres noirs » dirigés par des frères terribles
ayant perverti l’idéal et les dogmes maçonniques. Nous en avons déjà établi le
pedigree[8]. ![]() Reste la
partie émergée de l’iceberg et totalement neutre chez les compagnons du devoir
où le compagnon tailleur de pierre est appelé Loup-Garou où la transmutation
est ici synonyme de mutation intérieure ou spirituelle imprégnée dans les murs
en pierre de Saint-Leu (Saint-Loup)
du château de Gaillon et ses célèbres tours Job et Baudet. Peu à peu,
nous assistons, médusés, à la métamorphose du vide laissé par une
génération de chercheurs se préoccupant plus de leurs intérêts nombrilistes et
mercantiles éparpillés dans les trous venteux des monts et merveilles du
Hauts-Razès. L’antique pacte des loups Victime du
sortilège divin, Lycaon ne put se résigner à garder la forme d’une bête
éternellement. Aussi trouva-t-il le moyen de sceller un pacte avec certains
druides ! Esprit
lunaire de la forêt druidique, le loup représente les forces de la nuit,
inconnues et redoutées de la conscience solaire. Le loup sert la divinité ou la
manifeste et, proche du royaume des morts, participe de l'enseignement
initiatique[9].
Chez les Celtes, il est le dieu loup
Cuchulainn, fils du Lug[10].
Il est également associé au dieu Esus dont l’étymologie celto/bretonne, Euzus
signifie : terrible, effrayant, terreur, frayeur, épouvante,
horreur, le rapprochant de fait du loup-garou[11]. À force de
stratagème, Lycaon obtint des druides une atténuation de la
malédiction programmant la fureur du loup pour les jours de Pleine Lune et
le reste du temps dans le maintien de sa forme humaine. Ces légendes pourraient
rester lettre morte s’il n’y avait un contexte arcadien prégnant au cœur du
Haut-Razès, en Languedoc. On pourrait
abandonner ces fables pour ce qu’elles sont s’il n’y avait eu au XVIIIe
siècle une étrange affaire où se combinent surnaturel et complot politique
autour d’une « bête ». Une affaire digne d’un conte des frères
Grimm ! Des confins
du Gévaudan, en Languedoc, une série de crimes atroces fut attribuée à un loup
démoniaque, voire à un loup-garou. Le retentissement de l’affaire fut si grand
que la couronne de France en fut ébranlée. Encore aujourd’hui, personne ne peut
affirmer avec certitude quel était le monstre qui fit plus de cent victimes
pendant près de trois années de 1764 à 1767. ![]() Du Razès en
Gévaudan Nous sommes
peut-être un peu loin du centre de gravité du mystère. Et pourtant ! Pas
tant que cela. Officiellement, la bête identifiée comme un loup fut abattue par
les hommes du roi Louis XV. Or, des rumeurs persistantes accréditent la thèse
d’un complot fomenté par la noblesse languedocienne visant à déstabiliser le
royaume. Organisant
les attaques d’un « animal » dressé, la noblesse locale voulut
s’opposer au Roi. Le maître d’œuvre du carnage aurait été
Jean-François-Charles, comte de Morangiès. Une triste réputation d’escroc et de
fou pervers le précède. Cette thèse est
soutenue par différents travaux historiques très bien documentés[12],
publiés depuis l910. Une intervention humaine est évoquée dans les actes
officiels de l’époque[13].
Une société secrète aurait fourni au comte tous les appuis nécessaires pour
passer entre les mailles du filet des enquêteurs royaux et de la justice. Il n’y a
aucune preuve pour l’affirmer, mais de fortes présomptions nous amènent à
pointer du doigt l’Ordre de
Sainte-Marie-Madeleine, ordre
secret de chevalerie languedocien fondé vers 1620, souche
« méconnue » du Prieuré de Sion. Recoupement établi par nos soins
d’après la chronologie et les affirmations de Pierre Plantard. De Morangiès
apparaît tel un lieutenant, un peu trop zélé, à la solde des chevaliers de Sainte-Marie-Madeleine.
Outre la protection de cette fieffée crapule de la noblesse, les
responsabilités de l’Ordre étaient non négligeables puisqu’il avait en charge
la protection d’un secret d’un autre Temps
ayant pour totem un loup d’Arcadie.
Il n’est donc pas inopportun de voir l’Ordre secret impliqué dans un scénario
où se mêlent châtiment divin et crimes démoniaques dessinés à faire basculer le
trône des Bourbons et l’autel schismatique
de Rome, préparant le Retour d’un Roi de France légitime. Que cet
Ordre se soit opposé frontalement de la sorte à Louis XV ne serait pas vraiment
étonnant quand on connaît les membres, les origines et but de l’Ordre. Qu’il se
soit perpétué au travers de sociétés secrètes, voire maçonniques[14]
ne l’est pas plus. Mais savoir ce qu’était véritablement le comte de
Morangiès ? D’un dresseur de bête fauve, de la bête fauve lui-même ou d’un
« bouilleur d’enfants », s’il n’avait eu sous sa coupe un loup-garou,
son mystère reste entier et devient par la force des choses une composante,
délirante certes, mais non moins inaliénable, de l’énigme des deux Rennes. ![]() Cet épisode
en Gévaudan appelle de nouvelles conjectures « lupinesques ». En
faisant naître son Arsène Lupin à
Blois Maurice Leblanc ne s’y est pas trompé. Par le cryptage de son œuvre, son
silence s’explique fort bien. Après la découverte d’un tel
« sortilège », fantasme devenu réalité, le seul à pouvoir y survivre
était sans aucun doute le cambrioleur de l’histoire de France : Arsène
Lupin, dont les multiples identités lui confèrent son statut de métamorphe,
muni de son passe-partout cabalistique arcadien chapardé à Saint Arsène, précepteur d’Arcadius premier empereur Byzantin. Le loup-garou de Maurice Leblanc est
définitivement démasqué. CQFD ! Tels les murs
en pierre de Saint-Leu du château de Gaillon ou une mise au tombeau une nuit de Pleine Lune (station XIV du chemin
de croix ci-contre)[15]
totalement inadéquate dans la tradition chrétienne, la sentence gravée
au-dessus de la porte d’entrée de l’église de Rennes-le-Château résonne à nos
oreilles comme un avertissement ultime : « Terribilis est locus
iste ». Car effectivement, ce lieu est terrible ! Nicolas
Poussin l’avait parfaitement assimilé en le voilant dans son œuvre principale,
coffre à double fond, dissimulant à la foi le secret du Temple de Salomon en
Languedoc et celui de son gardien métamorphe. Virgile et Ovide furent
pour lui de véritables mentors. Pour tous
les détenteurs du secret, l’aphasie fut la règle, sinon leur malédiction, un
fardeau qu’ils portèrent plus qu’à leur tour. Un certain Henri Montfaucon de
Villars, natif du diocèse d’Alet-les-Bains[16], loin
d’être un de ces gardiens patentés, en paya le prix fort en 1673 : le prix
du sang. Trois ans plus tôt, il avait divulgué dans une de ses œuvres, « Le Comte de Gabalis, entretiens sur
les sciences secrètes », les secrets interdits qui devaient se
manifester physiquement une centaine d’années plus tard dans cette région du
Gévaudan dont l’appellation latine est Gabalis.
Etranges coïncidences n’est-ce pas ! Les « Azars » de l’histoire allaient encore frapper. Se moquant ouvertement des croyances
populaires, des esprits élémentaires et des rituels initiatiques, Montfaucon de
Villars avait ouvert la boite de Pandore. Les reliques de la Tradition Primordiale transmises depuis
nuit des temps, de la chute de la première Asgard à l’effondrement de
l’Atlantide, et maintenue secrète par les collèges druidiques et leurs
successeurs occultes, étaient en grand péril. Il n’en fallait pas plus à cette
époque pour qu’on le retrouva assassiné d’une balle de pistolet sur une route
entre Paris et Lyon. Il n’avait que 35 ans ! Officiellement l’assassinat
fut attribué à un cousin. Le mobile : une sombre histoire de famille.
Ainsi évacue-t-on les scènes de "Grimm" encombrantes. B. Saunière,
dernier Gardien en date, codifia le
secret qu’il avait découvert. Nous sommes dans une période de grands
bouleversements, à la fin d’un cycle, au commencement de l’Ere du Verseau. Il
faut maintenant que les MASQUES[17]
tombent, car même si le silence est d’or, la parole est d’argent. D’une parole
perdue, la pièce d’argent retrouvée ne saurait abattre le mythe du loup-garou
puisqu’elle doit révéler l’existence d’un secret placé entre les
« griffes » de métamorphes, thérianthropes ou zooanthropes, tels des sphinx gardiens secrets de la lignée
mérovingienne légitime des Rois de France, monarques de droit divin, et de
leurs attributs. Une révélation, allant bien au-delà d’un mythe moyenâgeux,
nous projetant dans une dimension où les manipulations génétiques ne sauraient
être pratiquées par l'unique main de l’homme dans notre environnement proche. Et si je
puis me permettre de paraphraser Robert Charroux : quand toutes les voies du possible ont été explorées sans succès, les
chemins de l'impossible deviennent l'unique voie de vérité. Extrait (revue et augmenté) de « Arcana Codex L.IV »
Thierry Garnier © 04 février 2021- M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. [1] Arcana Codex L.IV, La Chronique
Redhaesienne, M2G Editions, 2017. [2]
Le peuple primitif, sa religion, son histoire, et sa civilisation, par Frédéric
de Rougemont, 1855, T.1, p.340 [3]
Cf. Mémoires des deux cités T.II, M2G Editions, Th. Garnier, 2007, p.244. [4]
Cf. Arcana Codex L.III. [5]
Dictionnaire universel de mythologie, J-P Migne [6]
Cf. Société Fabienne, voire Commission Trilatérale se réunissant chaque année à
Davos (Suisse) le jour de la Chandeleur. [7]
Lupa Romana: recherches d'iconographie et essai
d'interprétation, Cécile Dulière, Institut Historique Belge de Rome, 1979. [8] Skull & Bones, un Ordre noir, M2G
Edtions. 2002. [9]
La symbolique des druides dans ses mythes et ses légendes Robert-Jacques
Thibaud Dervy, 1996, p.142. [10]
Les druides et les dieux celtiques à forme d'animaux, Henry Arbois de
Jubainville, 1906, p.152. [11]
Mémoires de l'Académie celtique, T.1, 1807, p.161. [12]
Qu'était la Bête du Gévaudan ? Puech, Académie des sciences et lettres de
Montpellier, 1911. La Bête du Gévaudan - Abel Chevalley l'aventure mystérieuse,
J'ai lu, rééd. de 1936. [13]
Histoire de la bête du Gévaudan, véritable fléau de Dieu - Abbé Pierre
Pourcher, 1889. [14]
Loup-garou ou frère terrible chez le F :.M [15] Cf. Station XIV du chemin de croix de
l’église de Rennes-le-Château. [16] Il serait né au château de Villa, à Roquetaillade.
On évoque également le village de Sougraigne (11). [17] Locution publiée
dans l’édition originale de 2017, mais toujours et parfaitement d’actualité
pendant cette crise sanitaire. © 2000-2025 - Le Mercure de Gaillon - Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur
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