Le manuscrit Bourdet


 

Le plan d’une chapelle suspecte


Plan "suspect" de la crypte découverte par R. Lhomoy

L’art de maquiller les documents réels était devenu une seconde nature chez les dirigeants du Prieuré de Sion en 1962. On se souviendra encore longtemps de l’emploi frauduleux du manuscrit, du prêtre sacristain de l’église de Gisors Alexandre Bourdet, exercé par G. de Sède.

Le croquis de la chapelle souterraine dite Sainte-Catherine, reproduit dans son best-seller de 1962, était un apocryphe. Le graphisme et la typographie des légendes de ce plan ne ressemblent en rien à l’écriture d’A. Bourdet. Cela ne signifie absolument pas qu’il était purement faux. C’est beaucoup plus subtil.

De plus, si G. de Sède avait pris soin de vérifier l’original du manuscrit en dépôt aux Archives départementales d’Evreux, il aurait pu éviter de diffuser l’erreur de datation se rapportant à l’histoire du curé Denyau, puisqu’elle est inscrite dans le titre : « Anciennes remarques faittes sur l’histoire de Gisors faitte par le Sr Deniau, curé de Gisors, en l’an 1660 ». C’est un de ces détails qui tuent et démasquent les contrefacteurs agissant pour le compte du Prieuré de Sion.

Il est exact qu’il manque douze feuillets à ce manuscrit entre les folios 80 et 93, et non des moindres. Nous l’avons nous-même remarqué. La partie manquante apportait des détails sur les chapelles et l’inventaire du trésor de l’église.

L’étude de ce qui reste du manuscrit Bourdet[1] est des plus instructives. Le folio 80 commence et s’achève sur la fondation de la chapelle de l’Assomption en 1360. Puis au folio 93 Bourdet conclue avec la fin de l’inventaire du trésor de l’église[2].

Un descriptif détaillé d’une chapelle devait être mentionné dans cette partie arrachée pour qu’il soit possible d’en faire un dessin fidèle. Mais de quelle chapelle s’agissait-il et quelles étaient ses caractéristiques ?

Les informations contenues dans ces douze pages devaient être d’un embarras extrême puisqu’elles ont été escamotées.

 

Manuscrits fantômes

 

Acte de décès d'A. Bourdet
Acte de décès du
sacristain A. Bourdet

Ainsi fabrique-t-on l’histoire officielle : on coupe, on tronque, on arrache, en un mot on censure. A ce propos, nous serons à même de nous demander où est passé la copie autographe du manuscrit Bourdet déposée aux archives de l’Eure[3] sous la cote 4F31. Ce manuscrit a tout simplement disparu : en déficit, selon le terme employé par les archivistes. Idem pour un manuscrit sur l’histoire et l’antiquité de Gisors ayant la cote 4F88. On voudrait nous rendre parano qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Suivant ces nouveaux développements, le dessin en coupe de la chapelle souterraine ne serait donc pas de Bourdet mais d’un copiste du manuscrit 4F31 en l’occurrence. Ce n’est certes qu’une hypothèse, qui plus est invérifiable ; ce manuscrit s’étant évaporé comme par enchantement. Cela importe peu, nous trouverons notre chemin ailleurs après vous avoir conté les rocambolesques aléas du manuscrit original d’A. Bourdet.

Le sacristain serait né dans les Hautes-Pyrénées en 1660, selon G. de Sède. Nous n’avons rien retrouvé sur sa naissance, mais soit ! Après sa mort à Gisors le 1er septembre 1726 [acte de décès], ce recueil[4] rédigé aux alentours de 1700 passa dans les mains les plus diverses. L’auteur inconnu du manuscrit 4F36 en fut le détenteur le plus ancien recensé (vers 1795), d’après Louis Régnier. En 1800, M. Fournier, docteur en médecine à Gisors, en est l’heureux possesseur, comme l’indique la page d’introduction du manuscrit.

 

Itinéraire du manuscrit

 

Ms Bourdet - cote 4F30
Extrait du manuscrit Bourdet - cote 4F30
Autres extraits disponibles dans le
FANUM II

On ne peut avoir de certitude sur le véritable responsable de sa mutilation. En 1862, nous le retrouvons dans la bibliothèque de l’abbé Pétrus Lefebvre, alors vicaire de Gisors. Il le possédait encore en 1912, bien qu’il ait été promu curé/archiprêtre à Louviers[5]. A cette date les douze pages avaient déjà disparu. Ce qui a fait dire à G. de Sède que le coupable de cet acte de censure n’était autre que l’abbé Lefevbre[6], mais rien n’est moins sûr car L. Régnier ne donne aucune indication à ce sujet : « les pages 81 à 92 ont malheureusement été enlevées » (sic). Les fautifs pourraient aussi bien être ce docteur Fournier où l’inconnu du manuscrit 4F36.

Quoiqu’il en soit ce dernier avait lu le manuscrit de Bourdet, celui-ci ayant eu en mains l’œuvre complète de R. Denyau. Bourdet avait d’abord intitulé son ouvrage « Remarques sur l’histoire de Gisors », mais une seconde main ajoutera, bien plus tard (avant 1912), sur la page de couverture : « Anciennes remarques faittes sur l’histoire de Gisors faitte par le Sr Deniau, curé de Gisors, en l’an 1660 » (sic).

Le second volume de R. Deniau fut connu d’un grand nombre de ses copistes et continuateurs. Le recoupement des faits au travers de tous les manuscrits amputés ou non, nous permet d’avancer sur des points obscurs de l’énigme, notamment sur la généalogie Lobineau.

Après avoir vu son exposé sur Dagobert II, nous pouvons affirmer maintenant qu’elle est fausse également pour la famille de Gisors. Ou bien les données filiales ont été volontairement tronquées si l’on considère que la source d’informations primaire Lobineau est un document véritable ; tout comme « Pierre gravées du Languedoc » prétendument écrit par Eugène Stüblein[7]. De plus, les références données, dans le 2nd vol. de R. Denyau, sont fausses puisque le manuscrit fut rédigé vers 1660 et non en 1629.

Malgré les manipulations des auteurs des « Templiers sont parmi nous » en 1962, il va s’en dire que le manuscrit du sacristain Bourdet posait un certain nombre de problème à certains obscurantistes, ennemis de la vérité, depuis plusieurs décennies. A l’instar du Codex Bezae, le ms 4F30 aura subi mutilation, travestissement et dissimulation augurant une teneur des plus subversives.



Lire la suite dans "Gisors ou la Chronique Vulcaine, Arcana Codex Livre III".

 




Thierry Garnier

Extrait de « Gisors ou la Chronique Vulcaine » mai 2011.


© 14.07.14 - Revu et augmenté - M2G éditions. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Remerciements particuliers à : A-M Lecordier

 



[1] Arch. dép. de l’Eure, manuscrit cote 4F30.

[2] Voir copie du folio 93 pl.27.(in. Arcana Codex Livre III, Gisors où la chronique vulcaine)

[3] Répertoire numérique de la série F, mélanges : collections de documents des Archives départementales de l'Eure, Marcel Baudot - Eure (France), 1935, p.24.

[4] Petit in-folio de 118 pages.

[5] Op. cit. L. Régnier, p.53 et 76.

[6] Op. cit. G. de Sède, p.267.

[7] Op. cit.  Arcana Codex Livre II, p.107.